Vous démarrez Divinity: Original Sin II par une création de personnage basique, puis vous vous retrouvez abruptement en tant que passager d’un bateau, vêtu de haillons et d’un collier, dont on vous explique vite qu’il est là pour bloquer la Source, une forme de magie que vous maîtrisez. À la suite d’un incident, le bateau s’échoue et vous allez commencer ainsi votre transformation de prisonnier à héros. En cela, le début du jeu n’est pas sans rappeler le cinquième opus de la série The Elder Scrolls, à savoir Skyrim (aussi disponible sur Nintendo Switch). Le formidable titre de Bethesda est poli, chaleureux et accueillant, mais peut se révéler monotone et trop facile sur la durée. Pourquoi vous parler de ça ? Parce que Divinity: Original Sin II, c’est un peu tout son contraire. Mais laissez-moi tenter de vous l’expliquer.
Un portage compliqué mais réussi
Divinity: Original Sin II en met tout d’abord plein les mirettes. Pas visuellement, non, parce que le tout – et surtout les personnages – reste assez moche, même si la vue de dessus (et d’assez loin) atténue les divers défauts. Mais le travail de portage du titre sur la Switch force le respect : malgré le downgrade évident des graphismes, tout reste reconnaissable et fidèle ; et, surtout, le travail sur l’interface est un modèle du genre. Contrairement à, par exemple, We The Revolution et son portage pitoyable, avec ses textes tout petits et son gameplay inadapté, le RPG de Larian Studios réussit avec brio à transposer son interface chargée et ses contrôles alambiqués sur notre console. Que ce soit en mode portable ou sur TV, tout reste lisible et assez instinctif à tout moment, et rien que pour ça, j’ai envie de leur dire bravo.
Certes, certaines manipulations sont un peu rébarbatives : la gestion de l’inventaire, de l’équipement et des caractéristiques des personnages demande beaucoup d’aller-retours, là où sur PC les choses doivent êtres beaucoup plus rapides ; mais il ne faut pas oublier que le jeu est pensé pour être joué sur ordinateur, ni que le cross-save est disponible : ceux qui le possèdent déjà sur PC peuvent donc se servir de la Switch comme d’une version d’appoint, pour continuer leur partie en déplacement, tandis que les gens qui ne l’ont que sur la console de Nintendo s’accommoderont sans peine des petites concessions qui leur sont demandées.
Il est libre, Morsay
Là où Divinity: Original Sin II en impose aussi rapidement, c’est par son travail de doublage : chaque personnage que vous croiserez sera doublé, avec une tonalité et un accent propre qui arrivent généralement rapidement à retranscrire sa personnalité. Le doublage intégral permet aussi de faire passer une des autres qualités du titre : l’humour. Attention, nous ne sommes pas vraiment là pour rigoler, l’histoire possédant des enjeux plutôt dramatiques, mais, tout au long de son aventure, mon personnage a gardé un flegme tout britannique face aux horreurs qui se passaient devant lui – voire qu’il commettait lui-même, et le narrateur a continué à m’abreuver de ses commentaires sarcastiques toujours bienvenus. La richesse et la variété du doublage permettent, de plus, d’amener un peu de vie au tout en compensant une bande-originale plutôt passe-partout, qui n’arrive jamais à vraiment tenir l’alléchante promesse initiale d’une musique qui s’adapterait à l’instrument clé de votre personnage, choisi au moment de sa création (j’ai évidemment pris le violoncelle, avec une pensée pour Isao Takahata).
Un autre des points forts de Divinity: Original Sin II que l’on constate très vite est la grande liberté qu’il nous offre : de la composition d’équipe, à choisir avec soin, aux résolutions des quêtes ou des différents conflits que l’on vous propose, vous aurez toujours une certaine marge de manœuvre. Malheureusement, comme souvent dans le genre, ce choix ne se révèle n’être qu’une illusion : oui, vous pouvez devenir “méchant“, mais à quoi bon, puisque le jeu vous pénalise constamment de l’être et ne vous offre aucun avantage si vous choisissez cette voie ? De même, pourquoi résoudre les conflits pacifiquement alors qu’aller au combat est l’occasion de récolter de précieux points d’expérience ? La liberté est appréciable, car elle permet à chacun de jouer “roleplay“, mais il serait intéressant de voir un jeu où celle-ci serait vraiment “équilibrée“, et où toutes les routes resteraient ouvertes au joueur, quels que soient ses choix.
Plus pour les quarantenaires que les millenials
Passé l’émerveillement initial lié à ces qualités indéniables du titre, on se heurte malheureusement à ces premiers défauts. La liberté est un choix agréable et il y a quand même une mini-map pour nous guider, mais on se perd souvent. Trop souvent. En cherchant à déclencher des quêtes ou à les résoudre. Et en se perdant, on se heurte à des ennemis beaucoup trop forts pour nous, et on meurt. Du coup, on ne recharge notre partie que pour mieux s’apercevoir que la sauvegarde automatique de Divinity: Original Sin II est si limitée qu’elle en devient inexistante. Contrairement à la plupart des RPG modernes, où elle se déclenchera toutes les X minutes, Larian Studios a décidé de n’activer celle-ci qu’à des moments scriptés. Et comme on n’a pas pu prévoir ces rencontres aléatoires, on n’a pas fait de sauvegarde manuelle, sans compter que ce n’est plus un réflexe que l’on possède nativement sur console. Je ne compte plus les demi-heures de jeu que j’ai dû recommencer, encore et encore, surtout au début de ma partie. C’est un coup à prendre, mais c’est tellement frustrant que je pense que j’aurais abandonné si ce n’était pour ce test.
Autre coup à prendre, les combats : ceux-ci sont difficiles et stratégiques. Nous sommes sur du tour par tour, mais où vous devrez gérer les déplacements de vos personnages, ce qui rend l’anticipation et le placement de ceux-ci extrêmement importants pour votre victoire. Si l’on ajoute à ça un titre assez chiche en armes et en argent, vous allez galérer et rester dans une position difficile longtemps, même si cela s’améliore au fil du temps. Et là, vous avez le maître mot de mon expérience sur le jeu : galérer. Certes, Larian Studios a essayé de mettre des petits tutoriels basiques, mais la majorité des choses s’apprend par l’erreur où le tâtonnement, impensable pour un titre de 2019 : vous avez choisi la mauvaise option de dialogue ? Des ennemis beaucoup trop forts vont vous attaquer. Vous avez touché à ce coffre piégé ? Vous allez mourir sans sommation. Sympathique pour les rôlistes qui aiment tirer des dés à chaque action, beaucoup moins pour les autres.
Divinity: Original Sin II n’oublie, de fait, jamais de vous rappeler qu’il est un C-RPG pure souche, et conserve donc les qualités et les défauts de ce genre un peu poussiéreux. Un peu comme si vous vous sortiez avec la plus belle des MILF, ou le plus beau des DILF, mais qui ne ferait aucun effort : comme si, là, il y avait Idris Elba dans votre salon, mais qu’il était en jogging en train de manger des wings en s’essuyant copieusement les mains sur son T-shirt. Arriverez-vous à passer outre ? Cela dépendra de votre âge et, surtout, de votre amour pour le genre : si vous êtes un fan de C-RPG, vous avez probablement entre les mains un des meilleurs représentants de ce style de jeux. Pour tous les autres, et bien qu’il puisse constituer une bonne porte d’entrée si vous êtes un tant soit peu curieux, il me semble difficile de le conseiller, tant tout risque de vous paraître frustrant et opaque.
Aussi réussi que poussiéreux
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Aussi réussi que poussiéreux - 70%70%
Résumé
Portage incroyablement casse-gueule mais réussi pour les belges de Larian Studios, qui nous pondent avec ce titre un des meilleurs représentants du genre antique du C-RPG. Dommage juste qu’ils oublient de l’actualiser au passage : la difficulté, l’aléatoire omniprésent et le manque de sauvegardes automatiques en rebuteront plus d’un, autant que la liberté permise et l’humour séduiront les autres. Votre appréciation de Divinity: Original Sin II dépendra surtout, donc, de votre appétence pour le genre, mais aussi de votre capacité à accepter d’un jeu qu’il vous fasse galérer pendant cinq heures avant de vous permettre de vraiment vous amuser.
Les +
- L’humour réussi et présent aux bons moments
- Pouvoir composer son équipe à son gré
- La liberté permise dans la gestion des quêtes et conflits
- Le gros travail sur le doublage
- Interface claire et lisible, même en portable
Les -
- Une musique peu mémorable
- Très difficile
- Les sauvegardes automatiques quasi-inexistantes
- Trop grosse part d’aléatoire
- Frustrant