Au fil des années, la série des Crash Bandicoot s’est perdue dans des jeux de plus en plus médiocres, au point que celle-ci fut enterrée par Activision faute de ventes suffisantes et de savoir vraiment quoi en faire. Mais voilà : voulant capitaliser sur la nostalgie des joueurs trentenaires, l’éditeur américain a fini par ressortir un remake des trois premiers jeux parus sur PlayStation sous le nom de N.Sane Trilogy. Le résultat : un succès phénoménal qui nous a donné la certitude d’un retour de la licence. C’est désormais chose faite avec ce Crash Bandicoot 4 qui fait directement suite au troisième épisode. D’abord paru sur PlayStation 4 et Xbox One, voici que l’attendu portage Switch du titre est arrivé chez nous. Alors, était-il vraiment temps de ressusciter le marsupial ?
Entre tradition…
Les californiens de Toys for Bob ont été mandatés pour le développement de Crash Bandicoot 4 avec une ligne directrice claire : puisque c’est la nostalgie qui a marché, alors il faut faire un jeu “à l’ancienne“. Reprendre les fondamentaux de la série, utiliser tout ce qui avait pu être amené par Naughty Dog sur les épisodes PlayStation, et ne jamais trop s’éloigner des bases. Une démarche qui n’est pas sans rappeler le classicisme des New Super Mario Bros. et qui plaira surtout aux joueurs les plus âgés et friands de challenge. Malgré un aspect cartoon très réussi – notamment dans le nouveau design des personnages, les enfants seront vite perdus face à ce titre qui transpire le passé par tous ses pores. Seule concession faite à la modernité : par défaut, les vies de ce quatrième épisode sont infinies. Heureusement, me direz-vous, puisqu’il n’est pas rare de mourir une vingtaine de fois sur chaque niveau, voire une cinquantaine de fois dans la dernière partie du jeu et son pic de difficulté conséquent.
Mais revenons au scénario du jeu, car il y en a un, servi par un doublage français perfectible mais appréciable : les docteurs N. Tropy et Néo Cortex ont réussi à s’évader de leur prison grâce à l’ouvertures de failles temporelles (d’où le sous-titre du jeu, “It’s About Time”). Comme toujours, ce sera à Crash et sa sœur Coco de réparer les pots cassés en retrouvant des masques, seuls à même de fermer les failles. Histoire basique, donc, mais qui nous permet de retrouver bon nombre d’anciens personnages, jouables ou non, et qui offre à Toys for Bob un prétexte pour nous offrir des scènes pleines d’humour (on pense notamment aux publicités pour le restaurant de Dingodile), soulignées par l’excellente animation des personnages, autant dans les cinématiques qu’en jeu.
…et modernité
Les nouvelles machines permettent au studio de s’offrir ce que Naughty Dog aurait sans doute rêvé d’avoir à l’époque. De fait, quasiment tout le contenu de Crash Bandicoot 4: It’s About Time n’est qu’une version sublimée des fondamentaux posés par les créateurs de la licence : on y retrouve le gameplay faisant évoluer le personnage principal dans des environnements cloisonnés, de dos ou de côté, mais aussi les fantaisies de level design de l’époque, présentes telle une check-list que l’on aurait cochée (la course poursuite, les phases à dos d’animaux…). Les limites de ce game design calqué sur les trois premiers jeux se font cependant ressentir comme dans la N. Sane Trilogy : les niveaux restent assez plats, les contrôles flottants et les hitboxes approximatives, même si Crash semble avoir trouvé une nouvelle agilité sur les consoles actuelles et s’avère tout de même plus agréable à contrôler.
Comme c’était le cas à l’époque, le titre pêche surtout dans sa gestion de la perspective dès que la caméra se trouve dans le dos du personnage : Toys for Bob ont cependant essayé de remédier à ce problème en affichant un cercle jaune – très peu esthétique – à l’endroit où notre personnage va atterrir. Une astuce qui fonctionne plus ou moins bien selon les niveaux et la vitesse à laquelle ceux-ci nous demanderont de réagir. Crash Bandicoot 4 n’est cependant pas le vieux papi qu’on aurait pu craindre : conscients du risque de se répéter, et sans doute motivés par l’envie de se démarquer, Toys for Bob ont implanté un bon nombre de nouveautés dans cet épisode, à commencer par les masques. Ceux-ci offriront à Crash et Coco des pouvoirs destinés à complexifier le gameplay comme les niveaux : plates-formes à activer, gravité inversée, temps ralenti… On peste parfois – souvent, même – devant la difficulté imposée par ces nouvelles manipulations à enregistrer : les insultes fusent, mais on ne peut que souligner au final la bouffée d’air frais apportée par ces pouvoirs utilisés assez intelligemment.
On ne Crash ni dans la soupe, ni dans la harira
Ce quatrième épisode introduit aussi trois nouveaux personnages jouables avec Tawna, Dingodile et Cortex. Chacun possède une maniabilité différente (Dingodile aspire les caisses, Tawna a un grappin, et Cortex peut dasher et transformer les ennemis en plates-formes) et des niveaux spécifiques construits autour de celle-ci. La plus grande inertie de ces trois larrons fait que leur maniement n’est pas foncièrement instinctif, mais le studio a prévu le coup en adoptant un level design qui fera plus appel à vos neurones qu’à votre adresse. Une petite bouffée d’air frais entre deux niveaux principaux qui mettront vos nerfs à rude épreuve. Les amateurs de challenge, quant à eux, prendront plus plaisir à parcourir les niveaux rétros, très difficiles et ne vous pardonnant rien. Enfin, Crash Bandicoot 4 permet aussi de revisiter les niveaux déjà terminés en mode “inversé“, avec l’application de filtres graphiques plutôt esthétiques et qui rajoutent encore des défis à compléter. Le titre est donc très riche en contenu : si l’histoire principale peut être finie en une petite dizaine d’heures, obtenir le 100% sera bien plus ardu (chaque niveau possède en effet des gemmes liées à des challenges : obtenir toutes les boîtes, ne pas mourir plus de trois fois…) et devrait vous prendre plus de soixante-dix heures, selon le site de référence How Long to Beat.
Certains d’entre vous connaissaient sans doute déjà les qualités de Crash Bandicoot 4, mais se posaient peut-être la question de la qualité du portage Switch d’un jeu plutôt très joli sur les autres consoles. On ne va pas y aller par quatre chemins : le travail effectué par Activision est tout simplement exemplaire et rend justice au matériau d’origine. Les logos saccadés en début de jeu peuvent faire peur, mais non : cette version hybride tourne en 576p en portable et en 720p en docké et possède un framerate bloqué à 30 fps, ce qui offre à vue de nez – nous ne sommes pas la fonderie digitale – un meilleur résultat que le yo-yo que l’on peut constater sur PS4 et Xbox One. Des sacrifices intelligents ont été faits sur les détails et la luminosité, sans que cela ne vienne gâcher les très beaux environnements conçus par Toys for Bob. Cela nous montre bien que la console de Nintendo est capable, et qu’il est possible d’offrir des versions Switch qui ne soient pas au rabais et conservent tout le fun des jeux d’origine. Si la difficulté du titre ne vous pose pas de problème, vous pouvez donc foncer sur Crash Bandicoot 4 sur Switch, d’autant plus si vous aimez la licence : cela poussera peut-être l’éditeur à considérer un cinquième épisode, qui sait ?
Hommage à pâte dure
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Un retour maîtrisé et un portage qui ne l'est pas moins - 70%70%
Un retour maîtrisé et un portage qui ne l'est pas moins
Crash Bandicoot 4: It’s About Time tente de faire la meilleure soupe possible dans son vieux pot et y arrive bel et bien, à condition de ne pas être réfractaire à la difficulté. Combinant classicisme extrême avec quelques touches de modernité, Toys for Bob nous montrent que le personnage peut encore être pertinent aujourd’hui et, sans arriver à la cheville des meilleurs du genre, nous proposent un jeu de plates-formes agréable et maîtrisé, le tout avec un contenu absolument phénoménal. Qui plus est, le jeu arrive sur Switch dans un portage exemplaire qui tire le meilleur parti de la console et nous offre une expérience qui n’a pas à rougir face à la concurrence.
Les +
- Sans doute le meilleur Crash Bandicoot
- Très beaux environnements
- Animations réussies
- Humour omniprésent
- Du challenge pour les amateurs
- Très complet
- Renouvelle la formule sans s’aliéner les fans de la première heure
- Bel hommage aux compositions originales dans la bande-son
- Vies infinies qui aident à faire passer la pilule
- Le masque qui ralentit le temps est super satisfaisant
- Portage quasiment parfait
- Aide à réviser votre dictionnaire d’injures
Les -
- Level design un peu plat
- Difficile à s’en arracher les cheveux, surtout pour atteindre le 100%
- Quelques soucis de perspective
- Contrôles flottants
- Hitboxes parfois approximatives
- Boss trop faciles