Les équipes de Bloober Team, ce sont en quelque sorte les rois de l’horreur psychologique. Spécialisés dans le domaine depuis 2017 avec cinq jeux sortis (Layers Of Fear 1 et 2, Blair Witch, Observer et The Medium), les polonais de Cracovie se sont imposés comme les cadors indépendants du genre, et les succès critiques et commerciaux démontrent qu’ils se sont parfaitement enracinés dans le genre. Suite au succès de leur premier jeu d’horreur Layers Of Fear, il semblait évident d’embrayer deux ans plus tard sur une suite. Mais le joueur Switch, comme à son habitude, a dû prendre son mal en patience pour espérer se faire peur devant la suite de ce dernier. Est-ce que les deux années supplémentaires d’attente valaient le coup ?
Une couche narrative complexe
Je vous le précise : si vous avez la migraine, évitez de jouer à Layers Of Fear 2. Si l’histoire qu’il dépeint n’est pas extrêmement complexe (vous êtes un acteur et vous jouez un rôle dans un paquebot), c’est la manière dont elle s’articule tout du long qui ne permet pas d’en saisir le potentiel au premier abord. Beaucoup d’éléments facilitant sa compréhension prennent la forme de différents textes et objets cachés çà et là dans des tiroirs, sur des meubles, et il est facilement possible de passer à côté. Cependant, si vous réussissez à réunir suffisamment d’éléments, le scénario de Layers Of Fear 2 s’ouvrira de plus en plus à vous, mais restera en partie flou, la faute à une volonté du studio polonais de rester trop souvent obscur.
Sans être époustouflante, l’histoire se suit tout de même avec plaisir grâce à la qualité d’écriture de ses dialogues, mais surtout par la performance proposée par les acteurs de doublage : Lily et James (non, ce ne sont pas les parents d’Harry) sont parfaitement crédibles et tellement attachants qu’on oublie presque que nous n’entendons que leurs voix. La Bloober Team s’est également permise de glisser quelques références cinématographiques à l’intérieur de son œuvre, mais le résultat est parfois trop grossier et nous sort du jeu (surtout pour la référence à Shining).
Dans l’ensemble, Layers Of Fear 2 reste très fidèle à ce qu’a toujours proposé la Bloober Team : une forte emphase sur la narration environnementale, parfois malheureusement trop obscure et une qualité d’acting qui nous donne envie d’aller jusqu’au bout des cinq bonnes heures qui le régissent.
Une ambiance qui ne dessert pas assez la peur
Si l’aspect narratif est globalement plutôt réussi, ce n’est pas l’essentiel lorsque l’on joue à un jeu d’horreur : l’ambiance doit être au niveau. Vous commencez votre aventure dans un hub central, où vous retournerez à chaque fois que vous aurez terminé un acte (le jeu se construit autour de quatre actes). Mais, malgré la présence de ce dernier, le jeu est extrêmement linéaire et dirigiste. Vous allez de tableau en tableau, résolvez les énigmes pour continuer à progresser, jusqu’à terminer votre acte qui vous fera retourner au hub central. Ne vous attendez pas à une progression à la Metroidvania ou quelque chose se rapprochant de Resident Evil : Le level-design est pensé pour vous faire avancer perpétuellement.
Les décors traversés sont des plus somptueux. On retrouve dès le départ cette identité très marine et la sensation de parcourir un bateau ne nous quitte (presque) jamais : les hublots, les portes, l’impression de tanguer, on finirait presque par avoir le mal de mer. Le jeu met une forte emphase sur sa colorimétrie, voyageant entre le très coloré et le monochromatique, si ça fonctionne plutôt bien dans la mise en scène, la manière dont elle change est parfois trop brutale – mais ne nuit en rien à l’immersion.
Ce qui peut nuire à l’immersion, par contre, c’est le sound design. Si les thèmes musicaux eux, sont vraiment très réussis, on ne peut pas en dire autant de l’immersion sonore. Des bruits qui commencent ou s’arrêtent trop brutalement, un objet qui fait du bruit au loin mais qui s’arrête également trop rapidement lorsque l’on s’en éloigne : Layers Of Fear 2 déçoit sur ce point-là, et la comparaison avec un certain Resident Evil Village (qui n’a bien sûr ni le même budget, ni les ambitions, il faut le rappeler) que j’ai fait juste avant fait du mal. Le jeu garde de belles cartouches sur la mise en scène, usant des changements de plans efficaces et déroutants : vous allez ramasser un objet sur une table, et en vous retournant, la pièce aura entièrement changé d’aspect. Si cette astuce de mise en scène fait mouche au tout début, elle lasse beaucoup au fil du jeu tant les développeurs en abusent. Mais il faut avouer que malgré ça, elle réussit à surprendre de très belles manières à certains moments.
Qui dit horreur, dit forcément monstruosité et pièges en tous genres à éviter. Si les phases de course poursuite avec des monstres sont stressantes, pleines d’intensités et nous donnent une bonne dose d’adrénaline, on se retrouve à mourir trop souvent dans ces dernières, ce qui transforme l’adrénaline du début en une frustration qu’on aurait en jouant à un simple die & retry. Les ennemis perdent donc très rapidement en frayeur pour devenir un passage désagréable, car en plus de ne pas avoir peur, on passe un moment laborieux.
Frayeur technique ?
En voyant les images de Layers Of Fear 2 sur PC et console de salon, j’étais assez inquiet quant à la qualité du portage sur l’hybride de Nintendo. Une inquiétude qui s’est vite dissipée après les premières heures de jeu. Bien évidemment, il ne fait clairement pas le poids à côté de ses homologues, mais cela reste une évidente réussite technique. C’est déjà plutôt joli, notamment lors de phases en intérieur qui, même si elles souffrent d’un petit aliasing, ne nous détruisent pas la rétine. On ne peut pas en dire autant des phases un peu plus en extérieur, qui sont beaucoup moins à leur avantage, la faute à des textures bien plus baveuses, mais qui ne font jamais trop tâche et ne sortent pas du jeu.
Le framerate est aussi stable : si le jeu ne tourne certes qu’à 30 fps, les chutes ne sont pas trop fréquentes et jamais assez sévères pour être handicapantes. J’ai cru pendant longtemps à quelques soucis de drop lors de l’animation des mannequins qu’on croise pendant tout le jeu, mais après vérifications, c’est un choix purement artistique de la part du studio, plus qu’une contrainte technique liée au support. Layers Of Fear 2 réussit techniquement très bien son passage sur Nintendo Switch, que ce soit en portable ou sur votre téléviseur : c’est fluide et plutôt stable ainsi que très agréable à regarder.
Angoissant sans être effrayant
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Angoissant sans être effrayant
Si Layers Of Fear 2 ne m’a pas donné de frayeur particulière, il est certain que ceux qui recherchent une dose de frisson pourront y trouver leur compte. Comme à son habitude, la Bloober Team signe une œuvre peut-être trop obscure dans sa narration mais gère d’une main de maître l’ambiance qui pourrait vous séduire si vous avez envie de partir à l’abordage d’un navire pas particulièrement accueillant. Tout n’est pas rose et parfois trop prévisible, mais le voyage se déroule sans accroc sur Nintendo Switch, qui vous permet d’avoir peur partout.
Les +
- Une ambiance efficace
- De bons thèmes musicaux
- Visuellement réussi
- Le jeu d’acteur
- Bien rythmé…
- Bien mis en scène…
Les -
- … Mais peut-être trop linéaire
- … Mais qui fini par manquer d’originalité
- Un sound-design décevant
- Des monstre plus agaçant qu’effrayant
- Scénario un peu trop obscur