Les témoignages à charge se multiplient contre Nintendo

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Il aura suffi d’une plainte pour que le silence se brise. L’industrie du jeu vidéo connaît peu à peu la fin d’une omerta généralisée concernant les conditions de travail souvent difficiles que connaissent ses employé·es. Entre harcèlement, comportements sexistes, xénophobes, validistes, homophobes ou transphobes, pressions psychologiques ou intimidations en passant par les agressions sexuelles, les cas sont aussi divers qu’inquiétants. Si des noms d’entreprises comme Ubisoft et Activision-Blizzard ont beaucoup fait parler, d’aucun·es pourraient penser que des compagnies comme Nintendo ou des studios indépendants ne sont pas sujets à de telles pratiques. Concernant les seconds, une enquête édifiante de Chris Bratt pour People Make Games a pourtant apporté une perspective toute autre en la matière avec de nombreux témoignages concernant des studios travaillant auprès d’Annapurna Interactive.

Aujourd’hui, nous sommes au regret d’apprendre que des pratiques similaires auraient aussi eu leur place chez Big N, plus précisément chez Nintendo of America. Tout débute par une plainte déposée le 15 avril par un·e ex-employé·e du constructeur contre la branche américaine ainsi que contre Aston Carter, une société de recrutement qui travaille avec Nintendo of America depuis quelques années. La personne en question a souhaité rester anonyme. Elle accuse les deux sociétés de violer la Loi Nationale sur les Relations de Travail (National Labour Relations Act) sur plusieurs points. Des pratiques injustes sont évoquées telles que des “licenciements abusifs et des blocages à l’embauche”, mais aussi des méthodes coercitives [exercice de pressions, de contraintes ndlr] comme “des menaces, des promesses d’avantages, des représailles, une surveillance disproportionnée”, entre autres. Les accusations portent également sur des blocages pour empêcher les salari·ées de se syndiquer afin de faire valoir leurs droits.

Suite à la médiatisation de cette plainte, nombre d’ancien·nes employé·es sortent du silence et témoignent de leur expérience chez Nintendo of America. Le compte @the_boyks raconte son passage au sein de la filiale sur Twitter :

Travailler pour Nintendo (pour un contrat de plus de 3 ans) a été une des expériences les plus stressantes et les plus horribles de toute ma vie. Les collègues étaient géniaux, mais j’étais constamment mis sous pression et menacé d’être viré pour des choses anodines comme aller aux toilettes ou être 2 minutes en retard à cause des bouchons. […] En plus, ils ont cette pratique horrible de faire miroiter des contrats à temps plein aux employé·es en temps partiel qu’ils finissent par ne jamais embaucher pour continuer à les exploiter et les faire taire. J’ai essayé de protester pour aider mes collègues. C’est la principale raison de mon licenciement.

Des réponses viennent appuyer son témoignage à travers des expériences similaires qu’eux/elles ou leurs proches auraient vécu en travaillant chez Nintendo of America.

Un ami à moi a travaillé chez Nintendo à la localisation pendant 3 ou 4 mois avant de démissionner. Durant son passage là-bas, ils n’avaient aucun travail à lui donner, donc on le faisait venir pour s’asseoir pendant 8 heures. Un jour, il a amené un livre et son manager lui a crié dessus en lui disant qu’il n’était pas chez Starbucks. Ils avaient aussi cette politique de “Trois avertissements, et tu es viré·e” et tu pouvais avoir un avertissement juste en étant une minute en retard pour ta pause cigarette de 5 minutes. Pour la pause en question, il fallait prendre un ascenseur, descendre 4 étages, quitter le bâtiment, fumer, puis remonter en sens inverse. C’était physiquement impossible de prendre ta pause en seulement 5 minutes.

D’autres ancien·nes employé·es affirment quant à eux/elles, que le problème concernerait non seulement Nintendo of America, mais aussi les autres filiales :

Comme je ne suis plus soumis·e à leur accord de non-divulgation, je vais me faire un plaisir de le crier haut et fort à quiconque serait intéressé·e. Et non, ça ne concerne pas seulement Nintendo of America, toutes les branches sont concernées. Iwata [Satoru Iwata est l’ancien PDG de Nintendo, décédé en 2015 d’une tumeur ndlr] lui-même était là souvent et voyait tout ça se produire. On avait des plaintes des autres filiales en permanence.

Nintendo a réagi auprès d’Eurogamer au sujet de la plainte :

Nous sommes au courant de la plainte, elle a été adressée au Bureau National des Relations de Travail (NLRB) par un·e employé·e qui a été licencié·e pour avoir divulgué des informations confidentielles, et pour aucune autre raison. Nintendo n’est pas au courant de tentatives de syndicalisation ou d’activités de la sorte et compte coopérer avec le NLRB pour cette enquête.

Nintendo est entièrement consacré à prodiguer un environnement de travail accueillant et bienveillant pour tou·tes ses employé·es et ses contractuel·les. Nous prenons ces questions très au sérieux.

Une négation en bloc peu surprenante, donc. L’enquête en question devrait nous éclairer sur la véracité ou non de ces témoignages. Nous garderons un œil sur les suites de cette affaire.

 

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Callisto
214 articles

Joueur depuis mon plus jeune âge, j'ai grandi avec Nintendo et leur univers, donc je garde un affect, même si le JV en général me passionne tout autant. Je suis friand de J-RPG et de tout ce qui touche à Zelda et Metroid principalement, même si d'autre licences de Big N ont mes faveurs. Je reste malgré tout bon public et peux apprécier un large panel d'expériences.

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Longin

Et dire que Nintendo aussi avait pris position concernant l’ affaire d ‘harcèlement chez Blizzard, c’ est bien triste….

PS: DesBen, tu pourrais si possible me donner l accès à tes jeux car ils sont hors ligne sur Switch. merci bcp ^^

Boodream

C’est un sujet gravissime, la violence au travail. Qui mérite d’être traité de manière beaucoup plus globale qu’au coup par coup, d’ailleurs. Elle est partout, tout le temps, et elle est intolérable.

Je ne sais pas si relayer des tweets aussi farfelus que celui qui dit connaitre toutes les filiales de Nintendo au monde aide à bien traiter ce sujet grave, mais cela reste moins hors sujet que le besoin de hurler son progressisme à coup de points médians.

guilem2

Je sais bien que la rédaction du site n’est pas professionnelle. Ce n’était évidemment pas l’objet de ma remarque. L’idée que j’ai essayé de faire passer est que ce genre de situation est trop grave et trop importante pour mettre sur le même plan des témoignages concrets de salariés victimes de préjudices intolérables avec n’importe quel tweet plus ou moins précis et plus ou moins sérieux exprimant des ressentis.

Le problème majeur est l’emploi d’intérimaires et leur absence de droits (à se soigner, à se syndiquer, à prendre la moindre pause). C’est honteux et c’est un problème de droit du travail. C’est un problème de rapport de force. C’est un problème global. Ce n’est pas une question de ressenti, il ne s’agit pas de savoir si des gens se sentent offensés, il s’agit de salariés bafoués concrètement.

Traiter cela par à coup comme le fait Kotaku où les conditions de travail sont notoirement très difficiles d’ailleurs, c’est passer à côté du sujet qui est un problème de législation, pas une question de gentillesse à avoir. Le droit du travail ne devrait pas dépendre de la gentillesse des entreprises. C’était ça, ma remarque.

Pour le reste, votre façon d’écrire exclue par exemple pleins de gens qui ont déjà du mal à lire, ou souffrent de dyslexie ou de dyspraxie. Que cela vous fasse plaisir d’écrire ainsi pour dire quelque chose de vos valeurs ne signe pas que ce soit inclusif.

lunapolitana

La question de l’écriture inclusive et de sa difficulté supposée pour les dyslexiques est loin d’être aussi tranchée que vous ne le suggérez. La FFDys, par exemple, juge qu’elle est effectivement embêtante pour les enfants dyslexiques et dyspraxiques avant le CE1 (ce qui ne concerne donc pas nos lecteurs, a priori), mais qu’au delà “il est réducteur de dire qu’on ne doit pas l’appliquer au motif qu’elle entraverait la lecture des dyslexiques”. Dans certains domaines (notamment les documents administratifs comme les cartes d’identité), l’écriture inclusive est d’ailleurs employée depuis des dizaines d’années sans que personne ne s’en émeuve.

Je n’emploie personnellement pas l’écriture inclusive, mais ma compagne, fortement dyslexique et dysorthographique, l’utilise sans souci et cela l’aide même un peu, selon son propre aveu. Je connais aussi des dyslexiques que ça dérange. Dans tous les cas, c’est loin d’être un sujet clos en l’absence d’études pour le moment et utiliser les personnes souffrant de troubles Dys pour dire qu’il ne faut pas l’employer me semble un peu léger, surtout au regard de toutes les autres bâtons que l’on met dans les roues de ces personnes tout au long de leur scolarité et dont les pourfendeurs de l’écriture inclusive ne semblent pas se soucier.

guilem2

Il se trouve que je suis adulte, et dyspraxique. Et que c’est juste pénible à lire, pour moi. Vous savez, cela ne disparaît pas en grandissant. Les enfants, ils grandissent. Surtout quand cela est associé à des pathologies neurologiques, par exemple.

Il ne faut évidemment pas en faire une généralité, mais le fait de voir en ma remarque très concrète de l’idéologie souligne exactement ce que je pointe sur cette posture.

DesBen

Hurler son regressisme sur votre tout premier commentaire publié ici n’est pas forcément une belle chose