Troisième exemplaire de notre chronique Comment créer un jeu vidéo ?, cet article a pour but d’expliquer, dans les grandes lignes, comment un studio de jeu vidéo prépare la commercialisation et le lancement de leur produit. En parallèle de ces années de travail autour de la conception et de la production de leur futur bijou, les membres d’un studio doivent également préparer le jour de sa disponibilité en magasins et sur les différentes boutiques en ligne en fonction de la plateforme cible.
Le pré-lancement : entre annonce et entretien de la hype
Comment créer un jeu vidéo ? n’est pas le fruit d’un expert du marketing des jeux vidéo, aussi certains détails pourraient largement varier d’un studio à l’autre. Mais encore une fois, les questions soulevées ici le sont pour n’importe quel type de jeu vidéo !
Si la production faisait intervenir les compétences techniques d’un studio (programmation, graphismes, sons…), le lancement relève davantage de l’exercice commercial et fera intervenir des spécialistes en marketing et en communication. Ce sont eux qui, par exemple, identifieront le meilleur moment et la meilleure occasion pour annoncer l’existence du projet, en fonction du stade de développement. Faut-il viser un évènement en particulier ? L’E3, le Summer Game Fest ou le Tokyo Game Show ? Ou bien faut-il tout faire en ligne à la manière de Nintendo et de ses Nintendo Direct ? Ferons-nous un peu de teasing mystérieux pour attiser la curiosité des joueurs ou bien faut-il attendre le jour J pour sortir une longue bande-annonce regorgeant de détails ? Toutes ces questions, et probablement bien d’autres, entrent en considération quand il s’agit d’annoncer un jeu.
Une fois l’annonce faite, la suite de la stratégie de communication s’enclenche pour entretenir l’engouement initial provoqué, on l’espère, par l’annonce du projet. Certains studios préfèrent une communication sporadique et prendre leur temps (à l’image de Nintendo avec Zelda: Tears of the Kingdom) tandis que d’autres déploieront un véritable planning pour informer les joueurs de façon régulière (comme Warner Bros. et ses lives réguliers sur Hogwarts Legacy). Une réflexion sur les médias employés s’imposent également : Twitter ? TikTok ? Instagram ? Des trailers sur YouTube exclusivement ? D’immenses affiches dans le métro parisien ? Un évènement promotionnel en physique ?
Ces décisions dépendront de plusieurs facteurs analysés par les départements Communication et marketing d’un studio : popularité des différentes plateformes envisagées, habitudes du public cible du jeu, ton général donné à la campagne de communication etc… En soi, la création d’une stratégie de communication repose résolument sur une dimension émotionnelle :quel effet cherche-t-on à procurer chez notre potentiel acteur à travers nos contenus ?
Au-delà de la médiatisation du projet, d’autres éléments cruciaux vont également être pris en charge. La certification auprès d’un organisme agréé pour déterminer une classe d’âge comme le PEGI en Europe en fait partie. Si le studio ambitionne de lancer son jeu sur plusieurs plateformes, des accords doivent être conclus avec les constructeurs. La décision de proposer le jeu en boîte est également une question de taille à l’ère du dématérialisé.
Vous vous demandiez peut-être comment certains journalistes et rédacteurs pouvaient donner leur avis des jours avant la sortie d’un jeu : Comment créer un jeu vidéo ? vous apporte un semblant de réponse. Ce processus fait intervenir le service presse du studio, ou bien une agence presse externe travaillant avec lui. Ce sont ces experts en relations presse qui gèrent les demandes et les envois de jeux aux différents sites et magazines : un processus qui n’est pas toujours de tout repos pour un côté comme l’autre.
En fonction du studio, le traitement réservé aux différents demandeurs peut être très différent : tandis qu’Ubisoft a la réputation avérée d’être plus généreux dans ses kits presse, Nintendo se montre plus bien sélectif dans ses choix. Il ne s’agit pas d’un choix anodin pour le studio puisqu’il se doit de sélectionner les magazines et sites internet susceptibles de faire le plus parler du jeu à venir et donc d’atteindre davantage d’acheteurs potentiels.
Le lancement : sortez le champagne mais ne le débouchez pas trop vite
Ça y est, le jeu est disponible ! Les joueurs peuvent se jeter sur la nouvelle production du studio et entamer immédiatement leur partie. On pourrait croire que le travail est terminé du côté du studio mais le jour de lancement est tout autant sous tension que les années le précédant. Il est fréquent de nos jours qu’un patch soit téléchargeable le jour même afin d’apporter les derniers éléments pour qu’un jeu soit jouable dans les meilleures conditions. C’est au studio de le mettre à disposition et de s’assurer que les joueurs puissent le télécharger sans problème.
De même, une certaine surveillance va se produire dans les jours suivants le lancement afin de détecter les éventuelles remontées de la part des joueurs et de la presse spécialisée. Des bugs non décelés pendant le développement peuvent très rapidement être rapportés sur les réseaux sociaux et les développeurs devront apporter un correctif dans les plus brefs délais, sous peine de rebuter les joueurs. Si des avis positifs font leur apparition, le studio pourra également capitaliser dessus et s’en servir pour leurs futurs campagnes de communication. Ces campagnes feront notamment partie de la période post-lancement.
Le post-lancement : correctifs, DLC et communication finale
Même lorsqu’un jeu est sorti, le travail continue ! On parle alors de post-lancement, ce qui recouvre un ensemble d’opérations qui va à nouveau réunir toutes les compétences d’un studio, qu’elles soient techniques ou commerciales.
Nous avons déjà évoqué le déploiement de correctifs pour remédier aux éventuels bugs gênant l’expérience des joueurs. Pokémon Violet et Écarlate sont actuellement dans cette situation et Nintendo a d’ores et déjà prévenu qu’ils y travaillaient. Bien sûr, les patchs ne sont pas non plus faiseurs de miracles et certains studios préfèrent laisser la situation telle quelle, tant qu’elle n’entrave pas la progression et le plaisir des joueurs. Un bug de Skyrim est par exemple resté des années après le lancement de la première version du jeu quand un géant vous assène un terrible coup de massue et que votre personnage se la joue “HELICOPTER HELICOPTER“.
Des mises à jour peuvent également avoir pour but d’ajouter du contenu supplémentaire au jeu : ce type de stratégie est très apprécié de Nintendo notamment concernant ses jeux de sport. Que ce soit Mario Tennis Aces, Nintendo Switch Sports ou, plus récemment, Mario Strikers Battle League Football, Nintendo se plaît à ajouter régulièrement du contenu gratuit par le biais de mises à jour : une façon d’entretenir l’intérêt d’un jeu sur le long terme qui est à la base d’autres titres qualifiés de “jeux service“. Ubisoft est également friand de ce genre d’ajouts bienvenus, en témoigne le déploiement des Discovery Tour pour les trois derniers Assassin’s Creed.
Quand un studio entend ajouter un contenu plus conséquent à son jeu, il n’est pas rare de devoir repasser à la caisse : on entre alors dans la catégorie des DLC payants. Un travail supplémentaire qui impliquera à nouveau experts techniques et commerciaux pour produire ce contenu et communiquer suffisamment bien dessus pour convaincre les joueurs de se le procurer. Pour certains studios, les DLC semblent venir de façon opportuniste et sans être véritablement planifié à l’origine. Pour d’autres, les DLC font d’office partie du business model du jeu et sont parfois annoncés avant même que celui-ci ne sorte comme c’est le cas pour les Pass d’Extension de Xenoblade Chronicles 2 et 3 ainsi que le futur Fire Emblem Engage.
Certains jeux vivent constamment sur une période de post-lancement comme Fortnite, World of Warcraft, Overwatch ou autres jeux en ligne : leur modèle économique reposant sur l’affluence continue de joueurs, ou la rétention de ces derniers, leurs concepteurs sont plus ou moins obligés de travailler dessus en continu pour maintenir leur intérêt et inciter à y revenir encore et encore. Il s’agit d’une décision prise dès le départ et qui conditionnera tout le cycle de vie du jeu.
Voici qui conclut cette première série d’articles de notre chronique Comment créer un jeu vidéo ?. Nous espérons qu’elle vous aura éclairés sur certains points liés à ce processus de création passionnant et parfois redoutablement difficile ! Dans un avenir proche, nous tenterons de contacter des développeurs afin de publier des interviews sur le développement de jeux bien précis mais également sur d’autres sujets : Comment créer un jeu vidéo ? continuera donc d’exister !