Nous savons que l’environnement de travail dans les studios de jeux vidéo occidentaux est rarement très sain pour les employés, souvent considérés comme “jetables” et soumis à une pression immense (les choses sont souvent différentes du côté des studios japonais où les développeurs ont une certaine sécurité de l’emploi, mais les horaires de travail y restent infernales). Naughty Dog, Rockstar, CD Projekt RED… on ne compte plus les studios où des polémiques ont éclaté au sujet du fameux “crunch” mais aussi à cause d’une culture toxique. C’est cette fois-ci MercurySteam, qui vient de nous livrer l’excellent Metroid Dread, qui est sous le feu des critiques de la part d’ancien employés – il est d’ailleurs à noter que ce n’est pas la première fois que le studio subit de telles accusations.
Tout a commencé par le fait que certains ex-employés, ayant travaillé sur Metroid Dread et reconnu certains de leurs assets dans le produit final, n’aient pas été crédités : une pratique courante autant dans le milieu du jeu vidéo que celui des effets spéciaux pour le cinéma, qui fait que l’on ne crédite pas les employés “de passage” ou ceux avec une trop faible ancienneté, mais qui porte un énorme préjudice aux travailleurs en question, qui ne sont pas en mesure de faire reconnaître leur labeur dans leurs CV ou bande démos.
C’est aujourd’hui un article du site internet espagnol Anait qui regroupe des témoignages d’ancien employés de MercurySteam dénonçant un mauvais management du studio comme du projet ainsi qu’un environnement de travail toxique. Ils notent par exemple que Nintendo a dû intervenir pour faire des coupes dans Metroid Dread suite à de trop grandes ambitions du studio qui occasionnaient un “embouteillage” au niveau artistique. De manière générale, un programmeur décrit le développement du novel opus de la série Metroid comme “assez chaotique. Plusieurs fois, en me donnant des directives, mon lead et le réalisateur du jeu se sont contredits“.
Le management de MercurySteam est aussi décrit comme toxique pour les employés. Un artiste dit par exemple qu’ils “ne font pas confiance aux travailleurs, et ça se sent. Vous ne vous sentez pas estimé. La mauvaise ambiance est constante et tout est en général assez tendu“, tandis qu’un autre parle d’un “contrôle constant“. Les employés décrivent aussi un système de punition mis en place, “allant de la placardisation du travailleur au changement du groupe de celui-ci, en passant par le simple licenciement“. Face à cela, les ressources humaines se seraient, comme trop souvent, rangées du côté de l’employeurs plutôt que de celui des employés – elles auraient par exemple hésité à accorder aux employés leur droit à quitter le travail pour aller voter un jour d’élections à Madrid.
Durant la pandémie de COVID-19, les équipes de Metroid Dread auraient par ailleurs été informées à la dernière minute des mesures prises en place par l’entreprise : “la pandémie n’a pas été du tout bien gérée. Ce fut un chaos total et absolu“, décrit un programmeur, tandis qu’un autre dit que “le télétravail n’était pas une option pour eux” et que l’environnement de travail n’était “pas sûr“, le studio s’étant apparemment contenté d’installer des plexiglas sur les côtés des postes de travail et… d’enlever les micro-ondes : “nous ne pouvions pas manger chaud dans le bureau car ils disaient qu’ils ne nous faisaient pas confiance pour les nettoyer. C’est toujours pareil, ils ne nous font pas confiance“.
Enfin, et cela explique sans aucun doute le silence des équipes en place, les managers utiliseraient la peur afin de faire taire les voix dissidentes : les gens ne parleraient pas pour ne pas “faire couler leur carrière“, quelque chose que l’on entend très souvent dans la bouche d’ex-employés du secteur et qui ne pourra sans doute être résolu que par une syndication des travailleurs.
De l’histoire de Nintendo, c’est la deuxième fois que des employés d’un studio tiers se plaignent du management d’un projet et d’une mauvaise ambiance de travail : la dernière fois, c’était pour Metroid Prime, et cela s’était conclu par un rachat de Retro Studios ainsi que la mise en place d’un management plus a l’écoute des travailleurs qui a mis fin au “crunch”. Espérons donc que le constructeur prendra les choses en main cette fois encore afin que les prochains employés de MercurySteam n’aient pas à subir la même chose que ceux ayant travaillé sur Metroid Dread.