L’éditeur et développeur Nicalis est responsable de l’arrivée de nombreux jeux indés sur les consoles de Nintendo : Cave Story +, Ikaruga, VVVVVV, Binding of Isaac Rebirth et Afterbirth, Save me Mr Tako: Tasukete Tako-San… Oui, mais voilà : gérer une entreprise, ça nécessite certes de sortir de bons produits (ce que Nicalis fait indubitablement), mais aussi de bien traiter ses employés et prestataires, et c’est là qu’est le hic. Dans une enquête de Jason Schreirer pour Kotaku, des personnes ayant collaboré de près ou de loin avec l’entreprise se sont plaintes du comportement de celle-ci, et surtout de son patron, Tyrone Rodriguez, envers eux.
The Game Backers, développeurs de Furi, se sont, par exemple, plaints d’avoir été “ghostés” (action d’ignorer volontairement quelqu’un) par l’entreprise après les avoir contactés pour porter leur titre phare sur Switch en 2017 :
Nous avons envoyé le projet, il en ont évalué le coût, nous ont envoyé un premier jet de contrat que nous leur avons renvoyé retour. Mais après ils ont commencé à nous ghoster. Ne plus répondre aux mails ni aux appels Skype. Nous avons attendu trois semaines, avons essayé de les contacter à maintes reprises… Finalement, ils ont répondu qu’ils étaient désolés et nous ont envoyé un mail la semaine suivante. Du temps a passé. Nous allions à l’E3 (et eux aussi), et leur avons proposé de les rencontrer là bas. Nous leur avons rappelé combien agir rapidement était crucial. Nous avons fini par leur envoyer un mail annulant notre deal à la suite du manque de communication.
Nicalis sont aussi connus dans le milieu pour refuser de déployer les patchs que leur envoient les développeurs, comme l’ont subi Lizardcube (développeurs de Wonder Boy: The Dragon’s Trap) et Christophe Galati (Save me Mr Tako: Tasukete Tako-San). Pour ce dernier, l’entreprise a justifié sa décision par le fait que le jeu n’avait pas eu un retour sur investissement assez élevé pour justifier de tester un patch, une réponse pas très respectueuse des consommateurs. Pire encore, dans un cas précis, l’éditeur n’a carrément pas sorti le jeu pour lequel ils avaient signé un contrat : 90’s Arcade Racer, un hommage aux jeux de course arcade de chez Sega, aux graphismes impressionnants quand on sait qu’il a été développé par une seule personne, a été récupéré par Nicalis après un Kickstarter réussi. D’abord prévu sur Wii U, le jeu a pris tant de retard qu’il a été finalement annoncé sur Switch. Depuis, nous sommes toujours sans nouvelles du titre et son créateur a quitté le projet, qui semblait pourtant prometteur :
Enfin, Tyrone Rodriguez, le patron, semble être un vrai tyran au travail : obligeant ses employés à boire des quantités astronomiques d’alcool, voire des décoctions étranges à base “d’oeufs crus, de bière, de sauce soja et d’autres aliments divers“. De nombreuses accusations de blagues racistes, homophobes et antisémites lui sont aussi prêtées (Kotaku a par exemple pu mettre la main sur des retranscriptions de chat Skype où il utilise le n-word, et rapporte qu’il appelait ses employés “mes petits gays”), personne n’ayant osé s’en plaindre jusqu’à l’enquête de Kotaku, au vu de l’influence de Tyron Rodriguez sur leur salaire et, plus globalement, sur l’industrie du jeu vidéo.
À la suite de l’enquête, Edward McMillen, créateur de Binding of Isaac, a annoncé qu’il ne collaborerait plus avec cette entreprise dont le nom est désormais entaché. Nicalis ont, quant à eux, usé laconiquement de leur droit de réponse en disant qu’ils “n’approuvaient pas les environnements de travail abusifs ni la discrimination“. Vous pouvez retrouver la réponse et l’enquête complète sur le site de Kotaku, qui montre une fois de plus, après l’affaire Quantic Dream, que créer des jeux vidéos est un métier de rêve qui peut trop souvent se transformer en cauchemar. Espérons donc que cette histoire pousse de plus en plus de studios à limiter le crunch, comme Nintendo qui essaye d’éviter cette pratique depuis déjà de nombreuses années (une des causes de la longue attente pour Animal Crossing: New Horizons).