Dans l’espace, personne ne vous entendra crier … Mais les râles d’agonie des aliens faisant face à la plus redoutable chasseuse de primes de la galaxie vont bel et bien retentir, eux. Je parle bien sûr de Samus Aran qui, perdue sur un monde hostile et inhospitalier, doit explorer, batailler et revenir sur ses pas avant de replonger de plus belle dans les entrailles de la planète qu’elle explore, vêtue d’un exosquelette de combat évolutif et armée de capacités de plus en plus redoutables. Telle est la prémisse de la saga Metroid dont le premier opus, paru sur NES en 1986, souffle cette année ses 35 bougies.
Après tant de temps et autant d’aventures, certaines qualifiées par beaucoup de chefs d’oeuvre et d’autres ayant divisé les fans, arrive la conclusion de cette histoire : Metroid Dread. Suite de Fusion sorti il y a déjà 19 ans sur GBA et cinquième opus de la saga en 2D, Dread est développé par MercurySteam en collaboration avec le producteur original de la franchise chez Nintendo, Yoshio Sakamoto. Cet opus promet de nous offrir le meilleur de ce que la saga a à offrir entre exploration, révélations sur le lore ainsi que la petite touche de modernité apportée par le studio espagnol avec son remake de Metroid II, Samus Returns paru en 2017. Alors, pari tenu ?
Hasta la vista, E.M.M.I.
La grande nouveauté marketée à corps et à cris par Nintendo, ce sont les fameux robots E.M.M.I. (pour Explorateurs Mobiles Multiformes Interplanétaires dans la langue de Molière). Pourquoi les mentionner si tôt avant même de parler de structure ou autres aspects d’importance me direz-vous ? Tout simplement parce que j’ai cette fâcheuse habitude de garder le meilleur pour la fin, et que les robots tueurs dont le concept nous a été si bien vendu par Sakamoto n’en font clairement pas partie à mes yeux. Si la première rencontre avec l’une de ces machines de malheur est impressionnante et vous donnera quelques sueurs froides, leur intérêt tourne court au fil de la progression.
En effet, à mesure que vous avancez dans le jeu et gagnez en mobilité de façon complètement disproportionnée par rapport aux capacités de nos chers E.M.M.I., il devient particulièrement aisé de les distancer. En fin d’aventure, vous êtes contraint·e de traverser des zones E.M.M.I. de plus en plus étroites (ou envahies par de l’eau avant d’obtenir l’Armure de Gravité) où la zone de détection sonore de l’adversaire couvre absolument toutes les pièces, ce afin de ne pas pouvoir nullifier leur intérêt grâce à l’Accélérateur ou au Saut Spatial. Ce qui était une mécanique d’infiltration sympathique devient vite une course d’obstacles effrénée sans se soucier de faire preuve de la moindre discrétion, façon poursuite du Diggernaut de Samus Returns, mais en moins scripté et en plus brouillon.
Tout n’est néanmoins pas à jeter chez nos amis mécaniques. Tout d’abord, on notera une I.A. particulièrement tenace une fois en chasse, ce qui est toujours un plus pour ce genre d’adversaire qui se veut inarrêtable. Qui plus est, leurs animations sont vraiment convaincantes, on tombe dans une sorte de vallée dérangeante insectoïde, et je ne doute pas que c’est l’effet recherché. Enfin, dernier bon point en leur faveur, leur évolution coïncide avec les améliorations de capacités qu’ils octroient. Ainsi le premier qui peut juste grimper aux murs offre à notre héroïne l’Arachno-aimant, le second qui peut se glisser dans les tunnels étroits nous offre la Boule Morphing et ainsi de suite. Un concept tiré pour le coup de Castlevania qui nous laisse utiliser les pouvoirs ennemis, mais qui avait déjà été utilisé avec brio dans les combats de Metroid Prime 2: Echoes ou plus récemment dans Ender Lilies: Quietus of the Knight.
Ça s’en va et ça revient
Comment évoquer Metroid sans parler structure ? On ne vas pas tourner autour du pot : Metroid Dread est une réussite totale à ce niveau. Le jeu a su tirer des leçons de ses prédécesseurs et de certains représentants de la scène indépendante en la matière. Les allers-retours se font sans effort au cours de l’aventure, avec un téléporteur ou un ascenseur toujours placé au bon endroit pour suggérer la destination sans vendre la mèche, mis à part lors d’une ou deux séquences bien spécifiques pour faire monter la tension avant un boss. Il s’agit là d’une approche qui tranche quelque peu avec le reste de la production ainsi que les précédents opus. L’effort mental exigé pour l’exploration est moins exigeant, ce qui peut rebuter celles et ceux qui recherchent précisément cela dans la saga, mais le rythme de Metroid Dread s’en retrouve extrêmement maîtrisé, pour une proposition qui ne ressemble à aucune autre, y compris parmi les metroidvania. Par ailleurs, fidèle à ses racines, le jeu permet et encourage même le sequence break (i.e. récupérer les objets dans un ordre inhabituel par rapport à celui prévu au départ) pour les vétérans. Les afficionados des Bombes Boule Morphing ou de techniques saugrenues à base d’accumulation d’énergie cinétique grâce à l’Accélérateur peuvent complètement casser la structure prévue du jeu. Ces chemins alternatifs sont même prévus par les développeurs qui ont intégré des cinématiques et séquences qui peuvent s’adapter à l’arsenal que vous utilisez.
Et puisqu’on parle de l’Accélérateur, je me permets aussi de mentionner la brillante utilisation de l’arsenal de Samus dans les énigmes pour récupérer des objets secondaires. On est tout simplement au moins au niveau de Super Metroid sur ce point, voire au-delà. À nouveau, les joueuses et joueurs les plus investi·e·s et déterminé·e·s à faire un 100% verront à la fois leur exécution en terme de plate-forme et leurs méninges mis à rude épreuve. Comme je le mentionnais, l’Accélérateur en particulier est utilisé de mille et une façons, tantôt pour stocker de l’énergie cinétique à relâcher au bon moment dans des angles diagonaux improbables, tantôt nous faisant foncer à toute allure à travers plusieurs pièces de façon ininterrompue tel Sonic le hérisson. Voyez par vous-même, des images valant mieux qu’un long discours :
Metroid : trente-cinq ans, et toutes ses dents
Pour finir nous allons aborder l’utilisation que fait Metroid Dread de son héritage ainsi que ses spécificités par rapport au reste de la saga. Cet opus incarne à mes yeux un véritable melting pot de tout ce que l’on aime des précédents et plus encore. Et je dois bien le confesser, il m’a été difficile de ne pas céder aux douces sirènes du fan service lors de ma partie. Et je n’emploie pas ce terme en mal : tout est dosé à merveille entre des clins d’oeil et même des mécaniques de jeu tirées d’anciens opus et la modernité infusée par MercurySteam. Le matériel promotionnel ayant déjà vendu la mèche depuis un moment : oui l’ordinateur ADAM nous revient de Metroid Fusion en nous donnant des indications (mais beaucoup moins intrusives et dirigistes que dans Fusion, à de très rares exceptions près) de même que les parasites X. Ces derniers permettent à la faune locale de gagner en agressivité et en puissance au fil de la partie.
Comme mentionné précédemment, le level design millimétré ainsi que la liberté d’approche permettant aux joueuses et joueurs aguerri·e·s de bouleverser le cheminement prévu sont deux éléments ayant fait la renommée de Super Metroid. Mais ce que Metroid Dread a à offrir ne se résume pas à son héritage. En effet, le titre propose une approche assez inédite pour la saga dans sa narration. Si les E.M.M.I. sont une réussite en demi-teinte niveau gameplay à mes yeux, leur utilisation dans le scénario s’avère ingénieuse avec quelques retournements de situation (oui on est bien dans Metroid) les concernant eux, mais pas seulement. On n’est pas face à du Shakespeare bien entendu, et on peut voir venir une partie des événements avec un peu de jugeote, mais l’effort est appréciable et surtout réussi. On peut aussi mentionner le travail du son et de l’image, les environnements et le sound design ayant bien plus d’identité que dans Samus Returns qui semblait un peu générique pour la saga. On notera par ailleurs des performances remarquables avec un 60 fps presque constant et une utilisation du Surround 5.1.
Enfin, je vais parler des combats. C’est sans doute le point sur lequel l’influence de la production indépendante de ces dernières années est la plus palpable. Des joutes exigeantes vous attendent, avec des patterns à mémoriser et à contourner. Bien loin de certains affrontements assez simplistes à la Zelda que pouvaient offrir les opus précédents, le challenge est ici bien plus relevé, sans pour autant être insurmontable non plus. En effet, les capacités de Samus offrent une plus grande marge de manoeuvre que dans des titres indépendants comme Hollow Knight ou Ender Lilies. En cause, le Déplacement phasique qui permet de dasher trois fois de suite ainsi que le Saut spatial offrant un meilleur contrôle de l’espace. Cela fait de Metroid Dread une bonne porte d’entrée vers des titres plus exigeants en la matière et moins prompts à donner autant d’outils au joueur. Par ailleurs, le contre de Samus Returns fait son retour, réalisable cette fois en pleine course. Couplé à la glissade, il offre un dynamisme inédit à la fois aux combats de boss et aux phases d’exploration.
Entre tradition et modernité, presque un sans faute
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Entre tradition et modernité, presque un sans faute - 90%90%
Summary
Metroid Dread est une réussite presque totale. L’excellence de la saga se ressent dans le level design qui se veut labyrinthique mais où le chemin à suivre est suggéré par la disposition des éléments. Les joueuses et joueurs non familier·e·s au genre verront là une expérience exigeante mais accessible tandis que les vétérans ont une marge de manoeuvre large pour s’amuser à “casser” le cheminement du jeu via des parties qui ne se ressemblent jamais, encourageant à la rejouabilité. L’ambiance visuelle ainsi que le niveau de finition ont gagné en qualité depuis Samus Returns qui pouvait sembler assez générique, et la production indépendante a su inciter MercurySteam à revoir sa copie pour proposer l’expérience ultime d’un Metroid en 2D. À la fois exigeant mais plus accessible que la moyenne des titres du genre sur la scène indépendante, Metroid Dread embrasse la philosophie de Nintendo en proposant une expérience à l’accès relativement simple mais qui n’oublie pas les plus aguerri·e·s.
Les +
- Un level design millimétré qui facilite les aller-retours en suggérant la marche à suivre presque uniquement via l’environnement
- Des combats pointus mais plus satisfaisants que jamais
- Une ambiance visuelle et sonore plus marquée que Samus Returns
- Une très bonne optimisation
- Le sequence break faisant pleinement partie de l’expérience pour les plus motivé·e·s
- Une excellente utilisation de l’héritage de la saga avec des références qui tombent toujours juste
Les -
- Des robots E.M.M.I. qui perdent quelque peu en saveur au fil de l’aventure
- Une durée de vie un peu courte si vous ne souhaitez pas vous investir dans des parties à répétition (comptez dix à douze heures pour le 100%)
Question à 100 rubis: est-ce que cet épisode est accessible aux néophytes qui n’ont jamais touché à un Metroid? Merci d’avance.
Navré du temps de réponse, je n’ai pas été très actif sur Switch Actu dernièrement :’-)
La réponse est en conclusion : oui le jeu est accessible, plus que la moyenne quand on parle de metroidvania. L’exploration est très fluide ce qui laisse peu d’opportunités de se perdre si on a du mal. Pour les combats, on est déjà plus proche des standards récents : c’est dur, mais ce n’est pas insurmontable si on apprend à bien utiliser tous les pouvoirs. Le dash est particulièrement permissif comparé à d’autres metroidvania.
Écriture inclusive dégueulasse qui n’a rien à faire là.
Non merci, je ne vous lirai plus.
Pas de soucis, bon vent mon gars !
Mais quel professionnalisme !
Décidément, la presse jeux vidéo, avec ce genre de réponses, aura bien du mal à se départir de son image d’immaturité qui lui colle à la peau.
Enfin… Du moment que vous affichez bien fort votre combat pour l’égalité des sexes (pendant que d’autres font de véritables actions utiles, comme dans Amnesty International hein… Mais on s’écarte du sujet).
Difficile d’être militant quand on veut garder ses pantoufles aux pieds, n’est-ce pas ? Il est bien plus facile de détruire la langue que réellement réfléchir aux enjeux.
Si la maturité consiste à lécher les bottes de l’Académie Française et de sa vision obscurantiste, très peu pour moi.
La langue évolue avec celles et ceux qui la parlent. Une langue “détruite” est par définition une langue morte, faute de locutrices et locuteurs pour la faire évoluer. Avoir conscience de cela et soutenir ce mouvement ne m’empêche pas de suivre et de soutenir d’autres combats politiques. D’ailleurs puisque vous semblez vous intéresser à Amnesty, je ne vous conseille leur documentaire récent “Présumé coupable”. Il montre très bien qu’il y a des problèmes effectivement bien plus urgents que de s’indigner de la présence de points au milieu des mots.
Tu devrais sans doute passer plus de temps à soutenir Amnesty International plutôt qu’à militer contre des points dans des mots, ça leur serait sans nul doute très utile.