Entre 2005 et 2009, le studio Cing nous présentait deux étonnants petits jeux regroupés sous le nom d’Another Code (ou Trace Memory en Amérique du Nord). Ce studio japonais n’existe malheureusement plus à l’heure où ce test est publié. Après avoir développé plusieurs autres projets dont le sympathique Hotel Dusk: Room 215, Cing fait faillite en 2010 et ferme ses portes le 1er mars. Près de 15 ans plus tard, Nintendo rend hommage au studio à travers Another Code Recollection, un double remake de Mémoires doubles et des Portes de la mémoire. Malgré le succès mitigé des jeux originaux l’époque, Nintendo décide de donner une nouvelle chance à cette formule alliant réflexion et narration : mais était-ce une démarche judicieuse ?
Les Désastreuses Aventures d’Ashley Mizuki Robins
Another Code Recollection vous permet de suivre en un seul jeu toutes les aventures de la jeune Ashley Mizuki Robins. orpheline et élevée par sa tante, Ashley voit sa vie basculer la veille de son quatorzième anniversaire quand son père qu’elle pensait mort l’invite à le retrouver sur la mystérieuse île de Blood Edward. Sur place, la jeune fille découvrira la vérité sur son passé en plus d’aider D, l’esprit d’un enfant décédé dans de mystérieuses circonstances, à retrouver ses propres souvenirs. Vous l’aurez deviné, l’intrigue du premier jeu repose en grande partie sur l’exploration des mémoires respectives d’Ashley et D. Quant au second épisode, l’intrigue nous place deux ans plus tard et se charge d’éclaircir les dernières zones d’ombre du passé trouble d’Ashley.
Prise dans son ensemble, l’histoire d’Another Code Recollection reste honnête. N’attendez pas une qualité d’écriture shakespearienne mais plutôt à un thriller léger idéal pour les adolescents mais qui parvient à parler aux adultes grâce à un réseau de personnages attachants et des moments de tendresse qui vous donneront le sourire.
Entre escape game et jeu narratif
Pour avancer dans sa quête de mémoire, Ashley devra davantage compter sur ses capacités de réflexions que sur sa force physique. L’essentiel du gameplay consiste en une suite d’énigmes consistant à examiner les environnements, à récupérer des objets et à comprendre où et comment les utiliser. Le premier jeu ravira les amateurs d’escape-games avec l’imposant manoir Edward, rempli de mystères, de mécanismes et de salles cachées. Le deuxième épisode continue sur cette lancée mais ouvre davantage ses environnements de sorte que vous serez amenés à vous déplacer davantage et à explorer des lieux plus variés.
La plupart des énigmes sont plutôt bien pensées. Elles ont notamment le mérite de se renouveler fréquemment et de proposer des réflexion très différentes d’une énigme à une autre : systèmes de poids, code secret à percer à jour, interrupteur à activer… Tout est là pour réveiller le Sherlock Holmes ou la Miss Marple qui sommeille en vous. J’ai néanmoins eu une nette préférence pour l’approche du premier jeu, plus mécanique et satisfaisant dans son approche, là où le second demande, somme toute, moins de réflexion et davantage d’aller-retour. Dans son ensemble, cette Recollection reste néanmoins très accessible, peut-être trop. De nombreux indices sont donnés à travers les dialogues, parfois trop rapidement de sorte qu’on est parfois privé du plaisir de la réflexion. Cependant, certaines énigmes un peu plus corsées vous procureront une véritable satisfaction après les avoir résolues. En résumé, Another Code Recollection fait travailler vos méninges sans vous prendre la tête.
Deux salles, deux ambiances
Si Mémoires doubles et Les Portes de la mémoire sont, à l’origine, sortis avec quatre ans d’écart et sur deux consoles différentes (DS et Wii), Another Code Recollection vous propose d’enchaîner les deux jeux et de les considérer presque comme un seul et même jeu sur Switch. Néanmoins, il est indéniable que les deux Another Code ont leurs propres spécificités. Mémoires doubles vous propose un huis-clos mystérieux à la Agatha Christie avec une enquête solitaire là où Les Portes de la mémoire offre une ambiance bien plus chaleureuse et surtout, plus conviviale.
Alors qu’Ashley est pratiquement seule dans le premier épisode, la suite de ses aventures fait intervenir beaucoup plus de personnages, donnant une profondeur accrue à l’intrigue et permettant d’aborder des sujets plus légers. Cela autorise également un développement plus complexe du personnage d’Ashley qui a tendance à être trop souvent enfermée dans le stéréotype de l’adolescente boudeuse (en même temps, difficile de l’en blâmer). Heureusement, le réseau de personnages est suffisamment riche pour permettre à la jeune femme de révéler d’autres aspects de son intrigante personnalité et réserve également quelques touches d’humour qui allègent le ton globalement sombre de l’intrigue.
Un pot tout neuf pour une soupe qui perd en saveur ?
Comme nous l’avons mentionné, les deux jeux d’origine sont sortis respectivement en 2005 et 2009 sur DS et Wii. Forcément, il aurait été difficile de vendre de banals remasters HD au vu du marketing conçu par Nintendo pour cette Recollection. De fait, les deux jeux ont subi une refonte intégrale de leurs moteurs graphiques avec également quelques petites retouches sur certaines énigmes et pans de l’histoire. Les modèles 3D des personnages des deux jeux ont également été entièrement refaits, donnant plus d’expressivité aux différents protagonistes en dépit de certaines animations assez génériques ou peu naturelles en fonction des circonstances.
Le changement est évidemment frappant concernant l’opus DS qui permet enfin une exploration bien plus libre du manoir Edward. On apprécie grandement l’intérieur de la bâtisse qui réserve, souvent, de jolis tableaux avec des jeux de lumière délicats et des décors colorés plutôt plaisants à contempler. Le constat est moins plaisant concernant le camping de Lake Juliet, théâtre de l’intrigue des Portes de la mémoire. Si on apprécie les couleurs chatoyantes des environnements, il est difficile de ne pas remarquer la pauvre qualité des textures et de la végétation. Etrangement, le jeu d’origine sur Wii avait bien plus de charme avec ses décors dessinés à la main alors que cette version Switch fait parfois grimacer. Cela dit, on ne peut nier que ce remake a le mérite d’apporter bien plus de couleurs et qu’il s’affranchit du rendu souvent ternes des jeux Wii de l’époque.
Another Code: Recollection, la mémoire dans le vieux pot
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Un remake honnête - 65%65%
Résumé
C’est indéniable, Another Code: Recollection permettra à toute une génération de découvrir deux jeux qui auraient été oubliés autrement. Cela dit, il est peu probable qu’ils deviendront cultes à ravers ces remakes. Certes, on apprécie de retrouver l’intelligence des énigmes d’origine avec un rendu graphique plus proche des standards actuels, mais certains changements n’ont pas été des plus judicieux. La modernité bienvenue et nécessaire apportée à Mémoires doubles se fait au prix de la direction artistique si particulière des Portes de la mémoire, une perte qui rend ce second épisode moins appréciable et d’autant moins mémorable. En somme, Another Code Recollection vous permettra de passer quelques heures sympathiques aux côtés d’Ashley mais il aurait fallu bien plus pour graver à jamais les jeux de Cing dans notre mémoire.
Les +
- Une réflexion plaisante et satisfaisante…
- Des environnements 3D intégralement refaits…
- Une intrigue intéressante, accessible et aux thèmes multiples
- Une certaine diversité dans les énigmes et le gameplay associé
Les -
- … malgré un certain gap entre les deux jeux
- … qui desservent la direction artistique du second épisode