Depuis plusieurs semaines, la communication de Nintendo autour de la future Switch 2 laisse une partie de la communauté sur un sentiment amer. Ce n’est pas tant une affaire de chiffres ou de puissance que de perception : celle d’un constructeur qui pourrait s’éloigner de ses valeurs d’accessibilité, de générosité, et de lien direct avec les joueurs. Nintendo n’a jamais été le plus généreux des constructeurs, mais … quelque chose cloche.
Avant propos : ce contenu n’engage que son auteur, DesBen, et non l’intégralité de l’équipe de Switch-Actu. Heureusement, nos avis sont divers, variés et nous ne pensons pas toutes et tous pareil. Pour avoir les avis d’autres personnes de l’équipes, rendez-vous dans la dernière partie de cet article. Bonne lecture !
Une philosophie qui s’effrite ?
Pendant des décennies, Nintendo a cultivé une image singulière : celle d’un acteur du jeu vidéo populaire, pas seulement au sens de « grand public », mais aussi au sens humain. Offrir un jeu avec une console (Wii Sports, avec la Wii), organiser des événements plus ouverts (la présentation de la première Switch laissait plus de place à certains petits médias par exemple), proposer des expériences inédites sans forcément chercher à les monétiser à outrance … tout cela participait à une certaine magie Nintendo. Mais cette magie, aujourd’hui, paraît un peu moins évidente.
Peut-être que je me trompe. Peut-être que je vais trop vite en besogne. Et je le souhaite. Il ne s’agit d’ailleurs pas de remettre en cause la qualité des jeux ; Nintendo continue et continuera sans doute de proposer des titres forts, bien pensés, et souvent excellents. Mais à côté de cette exigence bienvenue, une autre logique sembler s’installer : celle d’un rendement encore plus fort. Nintendo n’a jamais été dans le don de ses travaux, comme le prouvent les prix de ses jeux qui ne baissent que très rarement et le fait qu’ils n’offrent quasi jamais le moindre jeu au lancement d’une console. La qualité, ça se paie. Mais avec la Switch 2, on vend, on vend encore plus cher, et on ne fait plus beaucoup de cadeaux. Un DLC offert pour l’achat de la version « Switch 2 Edition » d’un jeu vieux de huit ans ? C’est non. Le prix d’une version « remasterisée » d’un jeu déjà grandement rentabilisé ? Il est aligné sur les prix les plus élevés du marché. Même les services payants s’étoffent, mais de manière très inégale et pas toujours en phase avec les attentes du public.
A l’image de ce que j’ai l’impression de voir chez Nintendo, l’événement de présentation de la Switch en 2017 semblait bien plus chaleureux que celui de la Switch 2 en 2025. D’une part par son accessibilité, même si Nintendo avait grandement besoin d’ouvrir les vannes après l’échec de la Wii U, mais aussi et simplement par le côté chaleureux de la décoration. En 2025, l’événement semblait plus professionnel, mieux organisé, mais … plus froid.
Par ailleurs, le président de Nintendo of America, Doug Bowser, a récemment déclaré que les personnes n’ayant pas les moyens de s’acheter une Nintendo Switch 2 pouvaient toujours se procurer une Switch première du nom. Le problème de cette déclaration, c’est l’intention. Difficile de dire si Doug Bowser dit que les « pauvres » peuvent rester sur l’ancienne génération, ou simplement s’il mentionne le fait que Nintendo continue de soutenir l’ancienne machine en attendant que tout le monde puisse s’offrir la Switch 2. Selon le point de vue, l’image de big-N peut être mise à mal ou, au contraire, louée.
Une fracture générationnelle ?
Le changement de génération de dirigeants n’est pas anodin non plus. Beaucoup comparent l’ère actuelle à celle d’Iwata, qui incarnait une forme de bienveillance et de passion sincère pour le médium. L’homme qui avait sacrifié une partie de son propre salaire lors de l’échec de la Wii U. Celui qui avait décidé de baisser le prix de sa dernière console après quelques mois. Sans faire de procès d’intention, la direction actuelle semble plus encline à suivre les tendances du marché qu’à les défier.
Un marché difficile, un modèle en danger
Mais peut-on réellement blâmer Nintendo seul ? Le marché du jeu vidéo est de plus en plus difficile à suivre et à comprendre. Entre l’inflation, la pression technologique, les attentes du très grand public qui ne mise que sur les jeux à très gros budget, la marge de manœuvre se réduit. Steam, pour ne citer que cette plateforme, a imposée une normalisation du prix bas sur PC avec un nombre incalculable de sorties non filtrées et des promotions à des prix incohérents. Les AAA, que le grand public aime tant, coûtent des centaines de millions d’euros à développer, avec des attentes immenses et immédiates. Résultat : tout le monde cherche à maximiser ses revenus, parfois au détriment de l’accessibilité. Faire un jeu « AA » ? C’est prendre le risque de ne pas assez vendre.
Ce contexte pousse certains joueurs à espérer un retour à des productions plus modestes, plus accessibles, plus honnêtes dans leur proposition. Des jeux pensés avant tout pour le plaisir, pas pour plaire à tout le monde. Nintendo avait longtemps été un bastion de cette philosophie, sur la première Switch aussi avec toute son offre de jeux « AA ». Aujourd’hui, il donnerait presque l’impression de l’abandonner. Est-ce que l’on est prêts à payer 80€ (prix maximum conseillé) pour une suite à Princess Peach Showtime ? Pas sûrs. Mais parfois, les productions plus petites et à bas pris ne sont même pas la solution : le succès de l’excellent Prince of Persia: The Lost Crown n’a pas été au rendez-vous.
Une confiance à reconquérir
Les joueurs aiment toujours Nintendo, parfois même passionnément. Et c’est mon cas : je critique, je parle à coeur ouvert, mais j’attends de pied ferme la Switch 2. Mais cet amour est aujourd’hui mêlé d’une certaine inquiétude, qui fait mal au coeur. D’un sentiment étonnant et très flou que quelque chose est en train de se perdre. Et que si rien ne change, la console la plus vendue de tous les temps pourrait laisser place à une génération plus froide, plus distante, moins “Nintendo” dans l’âme.
Il reste du temps pour renverser la vapeur. Pour montrer que cette nouvelle console ne sera pas qu’une machine à profits, mais aussi un vrai vecteur d’émotions partagées. La fonctionnalité GameChat, avec ses défauts, semble montrer que l’idée de partage n’est pas perdue. Il faut que Nintendo nous montre que l’innovation ne se résume pas à une fiche technique, et que la magie peut revenir … si tant est qu’on lui laisse encore une place, car, lorsque l’on voit Sony et Microsoft, on se demande où sont passées les émotions de l’époque des PlayStation 2 ou autres Xbox 360.
L’avis d’autres personnes de la rédaction
Puisque plusieurs avis valent mieux qu’un, certaines personnes de l’équipe ont décidé de réagir directement à cette tribune. C’est le cas de Skadi, Dams et Romain, qui ont tous les trois des avis plutôt variés et vous proposent de découvrir ce qu’ils ont à ajouter à la prise de parole de DesBen.
Course à la puissance contre le sens de l’histoire ?
Par Skadi
La question du dimensionnement des jeux pose également celle de tout le hardware de manière générale. À cet égard, la Switch 2 semble s’inscrire de nouveau dans le sillon de ses concurrents historiques, à savoir Sony et Microsoft. La fuite en avant de la recherche de performances toujours plus importantes n’est pas problématique sur le seul plan créatif, mais aussi socio-environnemental. Là où le progrès technologique pourrait servir à gagner en sobriété grâce à une efficience plus importante, il sert au contraire des ajouts de fonctionnalités secondaires et un décuplement des performances sans que l’utilité en soit questionnée. C’est ce que l’on appelle l’effet rebond. Depuis la Wii, Nintendo s’est inscrit à contre-courant de cette mentalité du “toujours plus”. Malgré l’échec de la Wii U, la Wii et la Switch ont su trouver leur public en devenant de véritables phénomènes populaires.
La question se pose donc : quelle proportion des joueur.euses Switch première du nom demandait à corps et à cris de la 4K et du 120FPS au point de voir grimper le prix des jeux et de console à ce point ? Seul le temps nous le dira. En attendant, celles et ceux voulant en bénéficier (et n’ayant pas le matériel adéquat) devront faire l’acquisition de nouveaux écrans supportant ces performances. Ce qui implique non seulement un coût financier supplémentaire, mais aussi un impact écologique lui aussi décuplé. Bien entendu, personne ne vous oblige à le faire. Mais lorsque tous vos appareils fonctionnent en-deçà de leurs performances maximales potentielles, la tentation apparaît d’elle-même. Est-ce qu’une incitation reposant sur cette fuite en avant généralisée à toute l’industrie vidéoludique et presque jamais remise en question peut véritablement être considérée comme bénigne ?
Une nouvelle balance pour Nintendo
Par Roms2332
Après l’annonce de la Switch 2, de ses jeux et de ses tarifs, ayant été relativement surpris (comme beaucoup de gens), j’ai tout de suite essayé de relativiser et de remettre en perspective l’annonce en elle-même. Payer 90 euros pour un nouveau Mario Kart, repasser à la caisse pour jouer à des jeux en version améliorée déjà achetés auparavant… dans un premier temps, la pilule a eu du mal à passer, surtout de la part de Nintendo. En y réfléchissant un peu plus, je me suis rendu compte que ça n’était pas si surprenant, mais plutôt un triste constat de ce que devient le jeu-vidéo depuis plusieurs années.
Nintendo, qui a toujours eu l’habitude de se positionner comme l’acteur proposant les consoles les plus accessibles à ses joueurs, a donc joué le rôle de grand méchant. Ils ont donc été les premiers à proposer des tarifs de jeux aussi élevés, là où la majorité du public s’attendait à les voir « casser » les prix de ce que l’on voit ailleurs (ou du moins, ne pas surenchérir). Finalement et sans surprise, comme pour les autres acteurs et entreprises de jeu-vidéo, Nintendo s’adapte au marché. Qu’attendre d’une entreprise qui, depuis toujours, ne baisse pas le tarif de ses jeux triple A, proposant ainsi encore aujourd’hui des jeux Switch de 2017 à un prix inchangé depuis leur sortie ? Cette même entreprise qui, après une baisse de tarif de la 3DS quelques mois après sa sortie, a dédommagé les joueurs avec un programme ambassadeur très peu convaincant. Qu’attendre d’un bundle de lancement de console qui, après une offre généreuse incluant Wii Sports gratuitement avec la Wii, n’a plus proposé cela ni avec la Wii U, ni avec la Switch ? Nintendo, finalement, essaie d’allier sa philosophie « d’accessibilité » avec la réalité du marché, et ce depuis toujours.
C’est là où est le cœur du problème : que peut-on exiger de Nintendo vis-à-vis de ce marché ? A quel point nos attentes sont raisonnables ? Si l’on est en droit d’attendre des prix tout aussi attractifs que par le passé, le marché a changé. Tout doit aller plus vite : les développeurs subissent une pression folle au quotidien, au détriment de leur condition de travail, et également souvent de la qualité des jeux, tandis que les budgets deviennent astronomiques, ce qui forcément se ressent sur le prix d’achat. Mais est-ce vraiment ce que les joueurs veulent ? Si l’on regarde les chiffres, peut être bien, mais pour Nintendo, quelle est la juste balance à appliquer entre son devoir de contenter les joueurs et sa vision du jeu-vidéo ? Faut-il bafouer sa philosophie pour s’adapter au marché ? Ou bien bousculer ce même marché en restant fidèle à ses principes ? Quelque-soit la réponse, il semblerait que cette balance ait trouvé un nouvel équilibre depuis ce 2 avril.
Nintendo est devenu arrogant, ou répond juste à l’évolution du marché ?
Par Dams
Depuis la diffusion de la présentation de la Nintendo Switch 2, et plus particulièrement de ses prix, les critiques vont bon train : une console et des jeux vendus à des prix trop élevés, un manque de renouvellement ou encore une arrogance de la part de la firme de Kyoto. Bien que comme la majorité du public, je sois en profond désaccord avec la politique tarifaire de la firme concernant ses jeux, notamment pour Mario Kart World, il est bon de remettre en contexte bon nombre d’éléments concernant les nouveaux tarifs de la firme.
Premièrement, ces nouveaux prix se justifient par une avancée technologique majeure pour Nintendo, une avancée qui vient répondre à de virulentes critiques concernant le premier modèle de Nintendo Switch et sa technique trop en deçà de ses rivales. Il est tout à fait impossible d’attendre de Nintendo des composants dernier cri pour un prix plus faible que le premier modèle de console hybride. Pour remettre en perspective, la nouvelle console de Nintendo propose des performances et des services supérieurs à ceux d’un SteamDeck (meilleur confort, présence d’un dock et de deux manettes et meilleures performances techniques) pour un prix moins élevé que ce dernier (hormis le modèle de base de Valve, qui propose donc des services moins qualitatifs). Les avancées technologiques se retrouvent également dans les cartouches de jeux, permettant entre autres un meilleur stockage et des temps de chargements améliorés (encore un des nombreux reproches de la Switch première du nom auquel Nintendo a souhaité répondre), d’où la fameuse taxe de 10€ pour Mario Kart World.
Deuxièmement, les choix de Nintendo prennent place dans un marché très incertain. Les taxes américaines rendent le lancement d’une console très chaotique, tandis que les studios de jeux vidéo ferment par dizaines. On mentionnera au passage que la firme de Kyoto est l’une des seules à ne pas avoir massivement licencier, et au contraire, pratiquement doublé ses effectifs (et cela prend également en compte la période Wii U lors de laquelle les perspectives de Nintendo n’étaient pas réjouissantes).
Pour finir, j’aimerais écrire quelques mots concernant la communication de Nintendo, que beaucoup ont jugés manquée ou arrogante. Tout d’abord, bien que certaines zones d’ombres aient entouré le Nintendo Direct du 2 avril, il convient de dire que les haters de la marque s’en sont donné à cœur joie pour inventer toutes sortes de rumeurs stupides : tous les jeux à 90€, des Game Key Card à utilisation unique et qui concerneraient l’ensemble du catalogue, des éditions Switch 2 sur code de téléchargement ou encore une console équivalente à une PS4. Stop. Il s’agirait d’arrêter de faire courir n’importe quel bruit de couloir pour le remettre sur le dos d’une firme qui, on le sait, prend le temps de s’exprimer sur chacun de ses paramètres. Enfin, parlons de la déclaration de Doug Bowser, qui aura été déformé dans tous les sens, s’éloignant clairement de son objectif de base. Non, le président de Nintendo of America n’a jamais indiqué que les pauvres devaient se tourner vers le vieux modèle de Nintendo Switch. Mais en effet, la console de 2017 restera un produit soutenu par Nintendo avec pas moins de 4 jeux first party (pour le moment) programmés sur cette dernière jusqu’en 2026 (Metroid Prime 4, Légendes Pokémon Z-A, Rythm Paradise et Tomodachi Life). Ainsi, les utilisateurs du premier modèle ne seront pas lésés en prenant ce modèle, si leurs finances ne permettent pas de passer à la Nintendo Switch 2 pour le moment.