Dans le monde du jeu vidéo, le début de l’année 2024 a été marqué par l’arrivée surprise d’un titre réussissant à faire forte impression : Palworld. Développé par le studio japonais Pocket Pair, le jeu avait déjà fait sensation lors de sa présentation il y a quelques années, avec sa proposition de “Pokémon avec des armes“. Maintenant qu’il est disponible en early access sur Steam et Xbox via le Gamepass, ce sont surtout des polémiques qui entourent Palworld, notamment pour ce qui est du bestiaire du titre, ressemblant fortement à la licence appartenant à la Pokémon Company. Mais alors, qu’est-ce qui se cache véritablement derrière ce jeu sensation ? Cette sortie a-t-elle vraiment de quoi inquiéter dans les hautes sphères de chez Game Freak ?
Avant propos : comme toute tribune, le contenu présent dans cet article relate le point de vue de son auteur. Il est possible que vous voyiez les choses différemment, auquel cas nous vous invitons à vous exprimer dans les commentaires pour apporter vos précisions ou vos avis.
Palworld, une copie de Pokémon ?
Attardons-nous un instant sur les différents types de gameplay proposés par les deux jeux en question. Palworld se veut être un jeu de survie, dans lequel il est question de récupérer des ressources afin de construire sa base, de se développer, etc. L’objectif sera de survivre du mieux possible dans ce monde hostile, tout en gérant différentes jauges comme la faim du joueur, par exemple. C’est cette composante qui est centrale dans l’expérience de jeu. Vient ensuite la surcouche dont on reparlera par la suite : les créatures peuplant cet univers. Ces dernières portent le nom de “Pal” (d’où le titre du jeu, le Monde des Pal) ; il est possible de les capturer, de les faire combattre en prenant comte des affinités de types ou encore de les utiliser pour gérer sa base.
Je ne sais pas s’il est vraiment nécessaire de présenter la licence Pokémon, mais faisons un rapide tour d’horizon pour remettre les choses dans leur contexte. Pokémon est une licence de JRPG, qui se base complètement sur son concept “Attrapez les tous”. Tout dans cet univers tourne autour des petites créatures qu’il faudra d’une part capturer pour compléter une encyclopédie, le Pokédex, et d’autre part faire combattre afin de devenir le plus meilleur dresseur ; une autre composante du jeu étant l’échange. Et tout l’univers tourne autour de ces quelques bases depuis bientôt trente ans, qui s’avèrent être trente années de réussite commerciale pour la franchise (ça a son importance pour la suite).
Des monstres très inspirés pour Palworld
Mais alors, quelles sont les polémiques qui entourent Palworld, et d’où viennent elles si les jeux n’ont absolument rien à voir ? Peu de temps après la sortie du titre de Pocket Pair, de nombreux soupçons de plagiat ont commencés à faire surface à l’encontre de Palworld, envers un des points communs qu’il partage avec la licence Pokémon : les créatures. Si aucun des deux titres nommés n’a inventé le concept de capture et de collection de monstres, le design des Pal semble néanmoins clairement inspiré de celui de certains Pokémon. Je ne vais pas mettre l’entièreté du bestiaire de ces deux jeux, mais ces quelques exemples devraient pouvoir appuyer les propos en question (merci au thread de @CeciliaFae).
L’on peut donc voir des ressemblances plus qu’évidentes sur certains Pal par rapport à plusieurs Pokémon. Si Luxray ou encore Pyrobut semblent clairement avoir servi d’inspiration, d’autres comme Fragilday, Cobaltium ou encore Archéduc ont eux aussi leur version Pal. Je vous laisse consulter le thread afin de vous rendre compte que la quasi-totalité du bestiaire de Palworld semble prendre des idées de la franchise de Pokémon. Au-delà de l’inspiration, il se pourrait par ailleurs que certains modèles 3D de Pokémon aient tout simplement été utilisés pour façonner les designs de Pal. Au moment où j’écris ces lignes, absolument rien n’est prouvé quant à l’origine du design des monstres du titre de Pocket Pair. Si le potentiel vol des modèles des créatures de Game Freak est pointé du doigt, il se pourrait également que l’utilisation de certaines intelligences artificielles soient également responsables de l’étonnante ressemblance entre les monstres. Là non plus, rien n’est prouvé ; mais le CEO du studio de développement ne cache pas son appétence pour l’IA.
Avant de clôturer cette partie consacrée au plagiat, faisons un petit tour du côté des autres projets du studio. Tout d’abord, l’avant dernier jeu du studio, Craftopia. Une nouvelle fois, Pocket Pair lorgnait du côté des jeux de survie, en s’inspirant d’un autre grand titre de Nintendo, dont je vous laisse deviner l’identité au vu des quelques images visibles ci-dessous. Quant aux premiers aperçus du prochain jeu, Never Grave, le studio s’est une nouvelle fois laissé tenter par l’idée de regarder le contenu de la copie du voisin, plus précisément celle rendue par Hollow Knight, notamment pour ce qui est de la direction artistique.
Des ventes qui font trembler la Pokémon Company
Mais sur le catalogue de jeux qui plagient les plus grands titres, vous me direz que l’année 2024 ne présente rien de nouveau, et c’est totalement vrai. Mais alors, pourquoi ce Palworld fait plus forte impression que les autres ? C’est tout simplement au niveau de ses ventes et du nombre de joueurs atteints par le phénomène que quelque chose se passe. En six jours, c’est pas moins de 8 millions de personnes qui ont acheté la version Steam du jeu (sans compter les versions vendues sur Xbox ainsi que les joueurs Gamepass). Ajoutons également à cela que l’immense succès de Palworld est à attribuer en partie au marché chinois qu’il a parfaitement réussi à capter, avec pas loin des 40% des ventes effectués dans ce pays (merci à GameDataLibrary pour l’infographie). Si beaucoup de joueuses et joueurs s’empressent de bondir sur cette très belle performance pour tirer sur l’ambulance Pokémon, il ne faudrait pas oublier pour autant les performances de la franchise depuis de nombreuses années.
Comme dit précédemment, la franchise Pokémon squatte les tops des ventes de jeux depuis plus de 25 ans désormais, et aucune nouvelle génération ne s’est écoulé à moins de 15 millions d’exemplaires. Mieux encore, les deux dernières générations de Pokémon ont écoulés plus de 20 millions d’unités, en étant exclusifs à un seul écosystème (la Nintendo Switch), et vendus à plein tarif (bien loin des 26€ de Palworld). Au vu des différences fondamentales de genre entre les jeux et la très bonne santé financière de la licence Pokémon en ce moment, il n’y a donc aucune raison de penser que le succès de Palworld n’ait quelconques répercussions sur le fonctionnement de Game Freak, qui, on espère malgré tout, sera capable d’améliorer la qualité technique des jeux à venir (s’agissant du seul véritable reproche de fond à faire aux jeux Pokémon).
Qu’en dit la Pokémon Company ?
Forcément, toute cette agitation fait réagir jusqu’aux plus hautes sphères, notamment de la Pokémon Company. Après une grosse semaine de tout et n’importe quoi sur internet, la société gérant les droits de Pokémon a pris la parole via un communiqué, visant clairement Palworld, mais ne le citant jamais :
Nous avons reçu de nombreuses demandes concernant le jeu d’une autre société sorti en janvier 2024. Nous n’avons accordé aucune autorisation pour l’utilisation de la propriété intellectuelle ou des assets de Pokémon dans ce jeu. Nous avons l’intention d’enquêter et de prendre les mesures appropriées pour remédier à tout acte portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle liés au Pokémon. Nous continuerons à chérir et à nourrir chaque Pokémon et son monde, et à travailler pour rassembler le monde grâce à Pokémon à l’avenir.
Difficile de savoir le réel objectif derrière cette déclaration. Une enquête est-elle vraiment en cours afin de prendre des mesures contre Pocket Pair ? Ou ce message a simplement pour objectif d’informer que la firme a pris connaissance de la situation et souhaite ne plus recevoir de messages à ce sujet ? Dans tous les cas, ce qui est certain, c’est que la Pokémon Company n’a certainement pas peur du succès de Palworld et souhaite simplement protéger sa licence ainsi que les artistes ayant designé les créatures que nous connaissons bien.