La date de création de Digimon remonte à 1997, mais ce n’est véritablement qu’en 2001 que la France découvre cette licence, en voyant – avec une certaine ironie, quand on y pense – Donkey Kong présenter ce qui est encore appelé, à l’époque, le « Pokémon killer ». Si les digital monsters n’ont jamais tué la série de Game Freak, c’est aussi parce que cela n’a jamais été vraiment le but de Bandai : ils savaient ne pas pouvoir rivaliser avec ce phénomène qu’est Pokémon, et c’est pourquoi ils n’ont pas tenté de le faire. Les jeux ont toujours été différents et très variés, tant en termes de qualité que de gameplay, là où Pokémon observe avec rigueur une formule efficace. De même, la série animée Digimon – bien meilleure, à mon sens – ne s’adressait pas au même public : nous n’en avons eu qu’une version censurée, mais la violence et les thématiques abordées la destinaient plutôt aux grands enfants et aux adolescents qu’au jeune public suivant les aventures de Sacha. Et il en va de même pour cette Complete Edition de Digimon Story: Cyber Sleuth ; si certains ne manqueront pas de comparer les deux jeux de cette compilation avec Pokémon Épée et Bouclier, du fait de la relative proximité de leur sortie, ils ne jouent absolument pas sur le même terrain ni ne proposent la même chose, et ça, c’est ce que nous allons voir ensemble.
Bienvenue à Shibuya
Car oui, Digimon Story: Cyber Sleuth et sa suite, Hacker’s Memory, empruntent finalement beaucoup plus à la série des Shin Megami Tensei et aux visual novels qu’à Pokémon. Ici, nous ne sommes pas dans le registre de la découverte enfantine mais bel et bien dans un monde adolescent qui semble s’inspirer beaucoup de la littérature young adult (Hunger Games, Divergente…) en proposant des personnages jeunes qui s’opposeront à des adultes et au système en place. Si toute l’histoire ne vous est finalement contée que par des scènes de dialogues assez statiques qui rappelleront les visual novels, parfois entrecoupées de cinématiques joliment animées, force est de constater que l’on s’attache vite aux personnages et que l’on est pris par un scénario qui sait habilement alterner moments sérieux et moments d’humour, le tout avec un certain goût pour les retournements de situation.
Les deux jeux de la compilation offrent en effet des points de vue différents sur la même histoire, et c’est pourquoi Hacker’s Memory semble parfois plus être une « seconde partie » qu’un épisode à part entière : décors et musiques réutilisés à foison, quasiment aucun tutoriel… Ceci dit, c’est avec plaisir que nous retrouvons dans ce second jeu l’univers très intéressant d’un Shibuya (oui, comme dans The World Ends With You) semi-futuriste dans lequel les habitants peuvent accéder à discrétion à un monde virtuel. Le design de celui-ci, banal à mourir – pensez à une version bleue du plan astral d’Astral Chain, laisse à désirer, mais ses implications en termes de scénario comme de gameplay compensent cela sans trop de problème.
Octogone digital
Puisque oui, vu que nous parlons ici de monstres digitaux (ou numériques pour les plus puristes d’entre vous) : ceux-ci ne peuvent se balader, à de rares exceptions près, dans le monde virtuel, l’univers dans lequel vous devrez les utiliser pour mener à bien des combats contre leurs semblables. Des affrontements qui reposeront, comme ceux de Pokémon ou de Fire Emblem, sur un pierre-feuille-ciseaux, à cela près qu’ici vous devrez prendre en compte non seulement le type de Digimon, mais aussi son élément. Sachant, qu’en plus, vous devrez gérer une équipe de trois monstres lors des combats, l’importance d’avoir une équipe équilibrée est on ne peut plus capitale ici au risque de finir rapidement au tapis. Il n’est pas rare de perdre un ou deux monstres ou de se retrouver à court de SP (points de skill vous permettant d’envoyer des “sorts”) lors des combats les plus difficiles, d’où l’avertissement du jeu : “sauvegardez souvent“.
Heureusement, les Digimon vous offrent de nombreuses possibilités en termes d’évolution : ici, vous pourrez progresser ou régresser à loisir (ou tout du moins si certaines conditions sont atteintes) : la planification est donc importante, voire primordiale, et nombreuses seront les captures que vous gâcherez dans des évolutions hasardeuses – on n’apprend à se relever qu’en tombant, après tout. Heureusement aussi, un mode combat automatique est présent afin de ne pas avoir à souffrir durant les trop nombreux aller-retours que vous aurez à faire dans les décors des jeux. C’est d’ailleurs mon principal reproche : Digimon Story: Cyber Sleuth et sa suite manquent de respect pour votre temps, vous obligeant à parcourir et reparcourir les mêmes décors et donjons, là où des points d’accès ou des raccourcis auraient pu être rajoutés. Certes, l’impression de devoir grinder n’est au moins jamais présente, et vos Digimon seront généralement aux bons niveaux grâce aux seuls combats aléatoires que vous rencontrerez sur votre chemin, mais l’on se retrouve – heureusement plutôt rarement – parfois à la frontière de la lassitude.
Vieillot mais pas dénué de charme
C’est dommage, car Digimon Story : Cyber Sleuth et Hacker’s Memory, qui vous font respectivement incarner un détective privé spécialisé dans le cybercrime et un hacker (il m’est difficile d’en dire plus sans l’histoire sans vous divulgacher quoique ce soit), sont plutôt bien rythmés, avec leur alternance de quêtes faisant avancer le fil rouge et des petites enquêtes à mener, assez courtes et que l’on accepte toujours avec plaisir. Et si l’histoire principale a un peu de mal à démarrer, elle atteint vite son rythme de croisière pour proposer quelque chose d’intéressant, à tel point qu’il devient difficile, au bout d’un moment, de décrocher de sa console. Par contre, désolé, mais les non-anglophones devront passer leur chemin : les deux titres ne sont inexplicablement localisés qu’en anglais et en allemand, et la place que prend le texte dans ceux-ci vous fera rapidement abandonner.
Avec ses donjons, ses caméras fixes, ses graphismes venant de la PS Vita – ce qui se voit malgré tout – et son côté visual novel très appuyé, cette Digimon Story: Cyber Sleuth Complete Edition semble venir d’une autre époque du jeu vidéo, que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Mais est-ce vraiment une tare d’être old school ? Les amateurs du genre (et/ou de jeux japonais) trouveront dans ces deux titres une huitantaine d’heures d’amusement de qualité, au bas mot, le tout dans un format parfaitement adapté au jeu portable permis par la Switch et sa petite sœur. Et qui sait ? S’il s’agit de votre première fois avec la franchise Digimon, peut-être que cela permettra de tuer quelques préjugés que vous aviez sur celle-ci.
La bande-annonce de Digimon Story: Cyber Sleuth Complete Edition
Pas mieux, pas moins bien : juste différent
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Pas mieux, pas moins bien : juste différent - 75%75%
Résumé
Les deux jeux composant Digimon Story: Cyber Sleuth Complete Edition sentent, par bien des aspects, un peu le formol, ce qui n’enlève en rien au plaisir brut qu’un amateur du genre ressentira en y jouant. Le scénario, et les nombreuses possibilités en termes d’évolution de votre équipe, vous tirent tout le temps vers l’avant et vous poussent à jouer jusqu’au bout de la nuit, ce qui est souvent, malgré tout, la marque des bons jeux.
Les +
- Bavard
- Deux histoires prenantes
- Le design des Digimon est réussi
- Des combats tactiques, surtout en “Hard“
- Une galerie de personnages attachants
- Parfaitement adapté au jeu portable
- Une musique et un doublage réussis
Les -
- Bavard
- Pas de localisation française
- Quelques aller-retours malvenus
- Jeu un peu trop facile en “Normal“
- On se perd lors de certaines missions
- Pas au top graphiquement
Jolie plume et un test on ne peut plus juste.