C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes. Square Enix prend au mot cet adage en créant I am Setsuna par l’intermédiaire de son studio interne Tokyo RPG Factory. Sorti tout d’abord sur consoles concurrentes en 2014, le jeu profite de la sortie de la Nintendo Switch pour s’offrir une seconde jeunesse et une traduction française intégrale au passage. Prônant l’héritage authentique des séries phares de l’éditeur japonais telles que Chrono Trigger et Final Fantasy, cette nouvelle aventure s’adresse tout particulièrement aux puristes du genre. Alors, hommage ou blasphème ?
L’hiver est là
I am Setsuna prend place aux confins d’un royaume enneigé en proie aux attaques de monstrueuses créatures, dont la violence anormale croît au fil des années. Pour cette raison, la coutume veut qu’une jeune fille soit envoyée en sacrifice tous les dix ans aux Terres Éloignées, et cela afin d’apaiser les fureurs meurtrières des monstres. Pour quelle raison les monstres attaquent-ils sans pitié les humains ? Comment se passe le sacrifice ? Ces questions se trouvent au centre du jeu qui relate plus précisément le pèlerinage de Setsuna, jeune femme qui a été désignée comme sacrifice. Immédiatement le joueur est frappé par la beauté qui s’offre entre paysages hivernaux et larges panoramas. Les forêts entièrement enneigées, parfois pleine de magnifiques couleurs automnales, charment les yeux par la finesse du dessin qui n’est pas sans rappeler Bravely Default. J’ai été particulièrement ébloui par les courants d’eau et surtout les jeux de lumière, le tout accompagné de chutes de neige régulières qui donnent un rendu général d’une douceur très agréable.
Concernant les personnages, I am Setsuna utilise un style chibi plutôt sympathqiue sans être transcendant pour autant. Par contre, les artworks qui s’affichent dans les boîtes de dialogues témoignent de la maîtrise des concepteurs du jeu. Dommage que l’étroitesse des dites boîtes empêche de contempler ces dessins plus en détails. D’un point de vue strictement technique, le jeu remplit entièrement sa part du contrat. Affichant une résolution de 1080p (en mode TV) ou 720p (en mode Portable) et 30 images par seconde, I am Setsuna possède tout ce qu’il faut pour que le joueur profite sereinement de la beauté du dessin. À défaut d’être mémorable, la bande-son douce et mélancolique se prête parfaitement à l’ambiance qui se dégage de cet ensemble. Certes, il serait étrange de réclamer du death metal pour un tel scénario, mais un soupçon de variété aurait été apprécié. Pour donner un exemple, Bravely Default parvenait aisément à concilier plusieurs types de musiques.
Dans cette histoire, vous incarnez Endo mercenaire membre de la mystérieuse Tribu du Masque. À savoir que votre personnage ne parle pas directement : tout comme Link dans The Legend of Zelda, c’est à vous de choisir entre plusieurs lignes de dialogues proposées qui entraîneront différentes réactions de la part de vos interlocuteurs. L’aventure commence alors qu’Endo est abordé par un mystérieux vieillard qui lui donne l’ordre de tuer Setsuna dont nous parlions plus haut. Comme dit précédemment Setsuna est le sacrifice, la jeune fille qui devra offrir sa vie afin de sauver le monde. Le personnage est particulièrement bien travaillé et touche par sa compassion, trait de caractère se manifeste régulièrement que ce soit envers ses alliés ou même ses ennemis. On aurait pu craindre un personnage bateau sans réel questionnement, mais il n’en est rien. Setsuna est remplie de courage et de sérénité face à son destin et la relation qui se tisse progressivement avec Endo est plutôt plaisante à suivre. Passant de potentiel assassin à protecteur, j’ai bien aimé observé les sentiments entre les deux âmes.
Il est un peu dommage qu’on ne puisse pas en dire autant des autres. On trouve au fil de l’aventure de nouveaux compagnons d’armes : Yomi, un guerrier au lourd passé, Kiyo, garde du corps de Setsuna, Kir, un jeune mage et Julienne, une princesse guerrière. Si Yomi est vraiment très intéressant (je n’en dirai pas plus, il s’agit d’un vrai rebondissement dans l’histoire), le reste de la troupe souffre d’un cruel manque de profondeur. Kir enchaîne les interventions sans intérêt et peine à émouvoir, tandis que Julienne échoue à faire ressentir la moindre compassion tant elle est guindée. Kiyo ne gagne de l’intérêt que vers la toute fin du jeu, une fois encore je n’en dirai donc pas plus. À noter qu’il vous est proposé de renommer tous vos personnages.
Chrono Trigger X Final Fantasy
I am Setsuna propose un système de combat qui reprend les codes de Chrono Trigger. Deux jauges sont à prendre en compte : la jauge ATB et la jauge Momentum. Quand la jauge ATB est remplie (plus ou moins rapidement selon les personnages), vous avez le choix entre une attaque simple, une technique ou l’utilisation d’un objet. La jauge Momentum commence à se remplir quand la jauge ATB est remplie : les deux jauges cessant de se remplir en cas d’attaque ennemie ou d’une action de votre part, il est parfois nécessaire d’attendre un peu avant de se lancer sur l’ennemi. Le Momentum s’active par une pression sur Y et permet d’ajouter un effet additionnel à votre attaque (dégâts supplémentaires, durée d’effet augmentée, récupération de PV etc…). À certains moments du combat, le mode Singularité peut se déclencher et amener des effets aléatoires dont l’influence peut chambouler tout un combat.
Les techniques sont apprises lorsque vous obtenez la Spirite correspondante. Les Spirites sont obtenues auprès d’un PNJ particulier qui vous demandera des matériaux spécifiques selon la Spirite désirée. Au passage, il s’agit là de la seule manière de gagner de l’argent afin de faire vos emplettes chez l’apothicaire (potions, éther etc…) et chez l’armurier. Une fois un bon nombre de Spirites en poche, vous pourrez combiner vos techniques pour lancer de redoutables combos (en duo ou en trio). Bien entendu, de telles actions requièrent de nombreuses conditions : avoir les personnages bien précis possédant les spirites correspondantes, sans oublier que chaque personnage doit avoir sa jauge ATB pleine. Le tout requérant évidemment un nombre de PM suffisant. Au passage, le menu “Chronique des neiges” se révèle très pratique pour repérer les combos que vous pouvez faire avec vos Spirites disponibles. À côté de cela, vous pouvez bien évidemment changer vos armes, les améliorer avec des matériaux particuliers et y associer des talismans aux divers bonus.
Des donjons peu inspirés
Les monstres sont éparpillés partout dans le monde, exceptés sur la “Carte du Monde” qui vous permet de passer de ville en ville ainsi que d’utiliser certains objets de soin (tels que les Tentes ou les Cabanes) ou tout simplement de sauvegarder. I am Setsuna a l’avantage d’avoir des monstres visibles, j’entends par là que les combats ne sont pas aléatoires et peuvent donc être évités (à condition de ne pas trop vous approcher). Bien que ce jeu regorge de qualités, il présente néanmoins une ombre tenace : les donjons. Ceux-ci consistent en de banales grottes (ou bien des ruines si vous êtes chanceux) remplies de monstres et s’achevant sur un boss, le tout saupoudré de quelques coffres. Heureusement que les boss viennent effacer la léthargie dans laquelle on tombe en parcourant les salles. Quant aux ruines, on ne peut pas vraiment s’extasier beaucoup plus : cela consiste à traverser les salles (encore une fois pleines de monstres), trouver un interrupteur formant un pont et passer à la salle suivante. La seule chose qu’on retiendra est une fois de plus la direction artistique. Vers la toute fin, le jeu vous proposera enfin des quêtes annexes centrées sur vos personnages avec de jolies récompenses à la clé.
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Avis final - 75%75%
Résumé
Au final, il s’agit d’une très belle histoire teintée de tristesse qui s’accorde en tous points avec la direction artistique. Cette aventure mélancolique réserve de beaux moments ainsi que des rebondissements totalement inattendus. Nous avons ainsi un beau récit (peut-être un peu court ?), mis en valeur par une exceptionnelle direction artistique et accompagné d’une bande-son somme toute très satisfaisante. On regrettera simplement les donjons aussi peu intéressants : on sent que Square Enix a voulu impérativement plaire aux nostalgiques du J-RPG en respectant les anciennes formules. Mais à force de trop puiser dans l’ancien, I am Setsuna perd un peu de son éclat. S’inspirer des classiques du J-RPG ne devrait pas en écraser les avancées ! Néanmoins, le charme indéfinissable qui se dégage de cette odyssée en allège, sans les effacer, les défauts. Si on peut regretter les rares lenteurs au début, un sourire, triste ou non, se dessinera forcément sur vos lèvres à la fin.