Véritable icône du jeu vidéo indépendant, Super Meat Boy s’est rapidement fait une place au sein des plus grandes références du jeu de plateforme grâce à ses qualités indéniables. Sorti pour la toute première fois sur Xbox 360 via le programme Xbox Live Arcade en 2010, le jeu est par la suite arrivé sur de nombreuses autres plateformes avant d’atterrir sur la Nintendo Switch dernièrement. Il est malgré tout légitime de se poser la question quant à savoir si encore aujourd’hui, l’oeuvre d’Edouard McMillen et Tommy Refenes peut encore avoir la prétention de bomber le torse face aux ténors du genre.
Installé confortablement dans mon précieux fauteuil de roi et profitant de la douce chaleur émise par mon radiateur qui m’apporte bien être et sérénité, je suis maintenant en parfaite condition pour introduire cette petite critique, ma foi, fort modeste pour une oeuvre qui ne l’est pas forcément. Avant toute chose, il est toujours bon de rappeler que Super Meat Boy est un jeu de plateforme à l’apparence et à la construction plutôt minimalistes, mais qui arbore le fameux concept du die and retry, ce qui assure la présence d’une difficulté ardue et demande donc une patience indispensable pour venir à bout des nombreux niveaux qu’offre le jeu.
Le postulat de départ est on ne peut plus simple, le joueur incarne Meat Boy, un jeune personnage de forme cubique, qui va devoir traverser bon nombre d’environnements pour retrouver sa bien-aimée, Bandage Girl, prisonnière du vilain, très vilain méchant docteur Fétus. Le constat est immédiat, Super Meat Boy est un hommage non dissimulé au célèbre plombier de Nintendo et cette fameuse quête de la demoiselle en détresse.
Fort heureusement, l’oeuvre de la Team Meat n’est pas qu’un simple plagiat, loin de là même et possède sa propre identité, rendant l’expérience unique en son genre, que ce soit dans son caractère artistique, comme dans son gameplay. Ici, il ne sera point question parcourir un monde enchanté et de côtoyer princesses et champignons magiques, mais plutôt de survivre dans un environnement malsain, violent et cauchemardesque, un cadre loin du paradis coloré que nous avons l’habitude de voir, mais qui a le mérite d’être foutrement original.
Du côté de la progression, le jeu adopte une structure conventionnelle. Il est donc possible d’enchaîner les niveaux à travers plusieurs tableaux empruntant une esthétique au pixel-art absolument fabuleuse, détallée et alliant les sombres sentiers d’une forêt noire aux profondeurs démoniaques des enfers, ce qui permet de varier les paysages et les situations. Petit bémol tout de même en ce qui concerne la partie sonore du jeu qui n’est malheureusement pas à la hauteur des ambitions artistiques de base, il faut savoir que cette version Switch ne bénéficie pas des musiques originales et que les nouvelles compositions ne sont ni percutantes, ni inoubliables, c’est un peu dommage.
Rapidité, simplicité et subtilité, ce sont les termes adéquats qui vont définir l’intégralité du gameplay de Super Meat Boy. Une touche vous permet d’avancer une autre de sauter, une dernière pour jauger la vitesse des déplacements et c’est tout. Autant le dire de suite, la prise en main est à la fois efficace, mais surtout immédiate. Nul besoin d’un tutorial de cinq longues heures pour comprendre le principe du jeu. C’est ici toute la force et l’intelligence du titre, aller vers l’essentiel et sans détours.
Chaque niveau se termine en quelques petites minutes et vous demanderont de partir d’un point A vers un point B en prenant garde d’éviter les pièges histoire de ne pas repeindre les murs et finir en viande haché avant d’avoir terminer la séquence. Pour cela, il sera indispensable de vous servir de l’environnement intelligemment pour progresser dans un niveau, notamment via les parois sur lesquels vous pourrez vous agripper pour rebondir dessus. Bref, le tout est de bien visualiser le level design aussi génial que diabolique du jeu, l’anticipation étant la clé de la réussite qui vous ouvrira les portes vers de nouveaux niveaux sans bloquer indéfiniment sur un obstacle en particulier.
Bien entendu, la mort sera inéluctable la plupart du temps. Étrangement, malgré les nombreuses défaites qui vous attendent, la frustration ne pointera jamais le bout de son nez. Tout a été conçu pour que le jeu ne soit pas punitif et qu’il force indirectement le joueur à apprendre, recommencer et à se surpasser pour progresser. L’atout qui permet à cette expérience d’annihiler toute forme de frustration, c’est la vitesse et tout le jeu va s’articuler intelligemment autour de cet aspect.
Le jeu va vite, il va même très vite. La transition entre les tableaux se fait naturellement et rapidement. Il n’y a aucun temps de chargement si le joueur perd, il redémarre le niveau instantanément. Le challenge ici, c’est de finir chaque level en un temps record. L’exemplarité du level design et ses différents niveaux de lecture apportent également son lot de qualités et amènent une certaine cohérence avec l’aspect vitesse de l’expérience. Chaque élément du décor est placé avec minutie pour offrir aux joueurs l’opportunité de terminer un tableau en explosant le compteur temps. Pour aller au bout de leurs idées, les développeurs ont également eu la merveilleuse idée de rajouter un tout nouveau mode dans cette version Switch baptisé modestement le mode course. Ici, deux joueurs peuvent s’affronter simultanément en local, le gagnant étant celui qui termine les niveaux en premier, autant dire que les injures et les crises de rire seront monnaies courantes ici.
Chaque monde comporte une vingtaine de niveaux qui se termine en aptotéose par un défis imposant puisqu’il est question d’affronter des boss fantastiques et démesurés aussi bien dans leur taille que dans les exigences qu’ils demandent. Ces affrontements sont intéressants, car ils révèlent tout le potentiel du titre, subliment ses qualités et mettront votre patience et votre dextérité à rude épreuve.
En ce qui concerne le contenu du jeu, là aussi, la Team Meat n’a pas fait les choses à moitié. Si l’aventure principale est plutôt courte, de nombreux défis attendent les joueurs les plus confirmés (ou ceux qui aiment souffrir aussi). En effet, le jeu propose de nombreux personnages à débloquer via des pansements que vous devrez récolter au fil des niveaux. Vous aurez aussi l’occasion de parcourir certains niveaux en 8-bits qu’il faudra dénicher durant l’aventure principale et qui vous apporteront souffrance et tension tant le level design est encore plus exigeant que pour les tableaux classiques, préparez-vous à mourir, plusieurs fois, de nombreuses fois, tout le temps, forever.
Pour conclure rapidement, il est important de faire le point sur la qualité globale du portage. Que ce soit pour le mode TV, comme pour le mode portable, le jeu est très propre aussi bien dans la résolution, que dans la framerate. Mention spéciale une fois de plus pour l’écran de la console qui sublime la direction artistique de l’oeuvre et qui rend l’expérience encore plus agréable à vivre.
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Avis Final - 80%80%
Résumé
Malgré ses quelques années d’existence au compteur, Super Meat Boy n’a définitivement rien perdu de sa superbe. Arpenter chaque tableau construit avec méticulosité devient un véritable délice et on se prend rapidement au jeu de vouloir défier ce level design aussi ingénieux que provoquant. Ainsi, l’oeuvre de la Team Meat devient rapidement l’instigateur de votre propre besoin de repousser vos limites pour affronter ce jeu, le dompter et le vaincre. Perdre une fois, deux fois ou soixante-dix fois sera une étape nécessaire dans votre progression, mais ces défaites vous amèneront vers une victoire au goût exquis apportant un sentiment de satisfaction intense. Et c’est via cette sensation que vous vous rendrez compte que Super Meat Boy est bien plus qu’un simple jeu, c’est avant tout une lettre d’amour destinée au jeu vidéo et à son héritage. Même dix ans après, le titre a encore toutes les qualités nécessaires pour bénéficier du statut de chef-d’oeuvre, Edouard McMillen et Tommy Refenes peuvent décidément être fiers de leur création, bravo !