L’industrie du jeu vidéo, comme bien d’autres secteurs, est marquée par ses propres classiques intemporels qui, des années plus tard, continuent de ravir leurs fans. Le genre sacré du J-RPG est particulièrement riche en hits avec des séries éternelles comme Final Fantasy et Dragon Quest qui encore aujourd’hui sont vectrices de hype des plus déchaînées. Parmi les fans de ces ces légendes du jeu vidéo et de leurs créateurs se trouvent de nouveaux professionnels de l’industrie qui à leur tour apportent leur pierre à l’édifice en s’inspirant respectueusement des oeuvres de leurs aînés. Cris Tales, développé par Dreams Uncorporated et SYCK, en est un parfait exemple : présenté comme “une lettre d’amour aux JRPG d’antan”, ce jeu indépendant lauréat de plusieurs prix entend incorporer plusieurs mécaniques de Final Fantasy et autres sommités de l’industrie tout en ajoutant ses propres particularités.
Mais suffit-il de s’inspirer des grands jeux pour en faire un à son tour ? Voyons cela tout de suite dans notre test de la version Switch de Cris Tales !
NB : la version Switch de Cris Tales ne permettant pas de prendre des captures d’écran, les illustrations de cet article ont été fournies par l’éditeur du jeu.
Une histoire de cristaux
Cris Tales ne fait pas dans la dentelle quand il s’agit d’introduire le joueur à son univers enchanteur puisque dès les premières secondes, vous vous retrouvez en plein combat ! Dans la peau de Crisbel, jeune orpheline et magicienne temporelle, vous vous retrouvez à affronter les armées de la diabolique Impératrice du Temps, bien décidée à réduire le monde que nous connaissons à l’état de ruines. Votre objectif, vous l’aurez deviné, est d’empêcher l’accomplissement de ce sombre projet en prenant part à un long voyage dans les contrées féériques du monde de Cris Tales. Crisbel ne sera heureusement pas seule puisque plusieurs compagnons viendront se joindre à elle dans cette aventure magique qui l’amènera à affronter bien des dangers. Dans un premier temps, Cristopher et Wilhelm seront les principaux compagnons de la demoiselle et deux autres personnages vous rejoindront au gré de vos pérégrinations.
L’autre atout dans la manche de notre jeune héroïne est ce mystérieux pouvoir qui lui permet de voir simultanément le passé, le présent et le futur pratiquement partout où elle se rend. En jeu, cela se traduit par une séparation de l’écran en trois parties distinctes : celle de gauche représente le passé, la partie centrale le présent et la portion la plus à droite un futur possible. Il est alors possible de voir l’état des maisons et l’apparence de PNJ des années avant et après votre venue mais également de découvrir des secrets oubliés. Dans une certaine mesure, vous aurez également l’occasion de vous promener dans ces époques révolues ou à venir en réalisant un Saut Temporel et en incarnant Matias, une petite grenouille affublée d’un élégant haut-de-forme habilitée à passer d’une époque à l’autre.
Attardons-nous sur une nuance légère mais très importante : le panneau à la droite de votre écran vous montre non pas le futur mais bien un futur potentiel. Car s’il y a bien une chose que Cris Tales nous enseigne, c’est que rien n’est déterminé à l’avance ! Crisbel sera en effet amenée à visiter plusieurs contrées du royaume et chacune d’entre elles sera dans une situation plus ou moins problématique qui, si rien n’est fait, s’aggravera au fil du temps pour déboucher sur un futur sinistre matérialisé par les visions que le jeu vous donne. Heureusement, la fatalité n’a pas droit de cité dans Cris Tales car vous aurez la possibilité de changer le destin de chaque cité en remplissant une série de quêtes annexes.
Prenons un exemple concret : au début du jeu, les héros se rendent dans une cité affligée de très fortes inégalités sociales. Selon la vision de Crisbel, le quartier populaire de la ville est promis à une fin sinistre puisqu’il sera noyé sous les flots suite à un grave dysfonctionnement du réseau d’égouts. Une quête annexe m’a cependant amené à venir en aide à un petit garçon ayant manqué de se noyer dans les dits égouts : ce sauvetage lui fait alors prendre conscience de la mauvaise gestion du réseau et il décide dans devenir plombier pour aider la communauté. Ce choix en apparence anodin a alors drastiquement modifié la vision que me montrait le jeu puisque le quartier n’est désormais plus sous l’eau dans le futur ! Bien d’autres possibilités de ce type vous attendent dans Cris Tales avec parfois la nécessité de faire des choix imposés par le scénario : selon vos décisions, vous impacterez le futur de telle ou telle ville de la même façon qu’en achevant les objectifs secondaires.
Par-delà le temps et l’espace
Nous l’avons mentionné en début d’article, Cris Tales se veut être un véritable hommage aux chef-d’oeuvre du J-RPG. Cela se traduit notamment par une structure très classique qui n’est pas sans rappeler certains épisodes de Final Fantasy, Dragon Quest ou de “classiques modernes” à l’image de Bravely Default. Concrètement, on pourrait scinder le jeu en deux phases : l’une où vous explorez une ville où vous passerez un certain temps à questionner les habitants et à comprendre comment vous pourrez vous rendre utile et une autre où vous explorerez des donjons labyrinthiques remplis d’ennemis.
Là où le jeu apporte sa petite touche personnelle consiste encore une fois en la magie temporelle de Crisbel. Si la triple division de l’écran est active dans les villes, elle s’efface dans les donjons car vous vous éloignez des Cathédrales où repose la source du pouvoir de la jeune fille. Néanmoins, la magie opère encore avec la possibilité d’envoyer des éléments définis du décor dans le passé ou dans le futur ce qui aura pour effet de les restaurer ou de les détruire. Par exemple, une colonne de pierre brisée peut vous barrer le passage dans le présent mais sera réduite en miettes dans le futur, vous libérant ainsi le passage.
Cris Tales se démarque également de ses ainés et des autres jeux vidéo en général grâce à une direction artistique splendide parsemée de décors en dessin vectoriel bariolés qu’on explore avec un intense plaisir. Bourrés de détails et d’effets visuels des plus réussis, les environnements ne sont que succession de couleurs intenses et de personnages au design inspiré si bien que chaque promenade ne peut que charmer le joueur.
À nouveau dans le registre “Classique”, la progression de vos personnages se mesure par une barre d’expérience, des statistiques, de l’équipement et des compétences à apprendre au fur et à mesure qu’ils gagnent des niveaux. Un point intéressant est que chaque personnage a une manière spécifique d’être joué ce qui a une influence considérable dans les combats où la magie temporelle prend toute son importance et monte toute son ingéniosité. Lors d’un combat, Crisbel a la capacité d’activer les cristaux du passé et du futur pour envoyer un adversaire dans une époque différente. Ceci a une influence directe sur une batterie de paramètres allant de l’apparence de l’adversaire à son nombre de points de vie. Par exemple, un loup deviendra un puissant chef de meute dans le futur tandis qu’un général d’armée sera réduit au rang de simple soldat dans le passé : chaque ennemi présent dans le jeu dispose ainsi de trois apparences !
Au-delà de renforcer ou d’affaiblir les ennemis, la magie temporelle a également des usages parfois bien sournois pour notre plus grand plaisir : il est notamment possible de cumuler les dommages causés par une altération de statut en un seul coup rien qu’en utilisant le bon cristal. Encore une fois, prenons un exemple : vous pouvez empoisonner un ennemi dans le présent, ce qui fera qu’il perdra progressivement ses points de vie à chaque tour, comme dans n’importe quel RPG. En revanche, l’envoyer dans le futur lui fera perdre un paquet de PV d’un seul coup du fait de l’accumulation des années ! Cela marche également dans l’autre sens : un ennemi empoisonné dans le passé et ramené dans le présent subira le même sort. Cris Tales propose également des altérations de statut plus originales comme l’humidité, causée par des attaques à base d’eau : l’humidité se transforme en rouille dans le futur ce qui a pour effet de diminuer la défense physique de l’adversaire.
En bref, Cris Tales use intelligemment de cette mécanique de manipulation du temps ce qui permet de participer à des combats stratégiques mais sans prise de tête avec un sentiment grisant de satisfaction quand on réalise une combinaison efficace. Le fait d’influer sur le destin de chaque cité et de chaque PNJ ajoute une forme de rejouabilité à l’ensemble dans la mesure où plusieurs fins de scénario différentes sont à découvrir en fonction de la somme de vos décisions.
De terribles problèmes de rythme
Pas sûr en revanche que les possesseurs de la version Switch aient la motivation ou même le temps de relancer le jeu après une première playthrough car Cris Tales est affligé de temps de chargement omniprésents qui ont eu un impact non négligeable sur mon plaisir de jeu. C’est bien simple, chaque changement de zones et chaque affrontement sont synonymes d’un temps de chargement d’une petite dizaine de secondes et dans la mesure où Cris Tales n’est pas un open-world et que ses combats sont tous en rencontres aléatoires, il n’y a aucun moyen de réduire l’incidence de ces pauses intempestives.
Chaque partie donne le sentiment de traîner en longueur à force d’être interrompue toutes les 30 secondes par cet écran blanc que seule une version chibi de Crisbel vient agrémenter et on a l’impression de jouer deux heures pour avancer de quelques pas dans le scénario. Un fait d’autant plus désagréable que l’histoire du jeu est plutôt intéressante, notamment dans ses personnages et son approche de la thématique du progrès, mais il est difficile de ne pas perdre le fil des évènements tant on passe de temps entre deux péripéties. La lenteur globale du jeu se reflète également dans la vitesse de déplacement de Crisbel qui semble pachydermique au possible malgré sa silhouette de crevette.
Manifestement, le souci des temps de chargement est la croix que les versions consoles doivent porter à en croire d’autres test lus sur d’autres sites spécialisés. Seule la PS5 semble être épargnée mais est-il normal de devoir se procurer une console next-gen à 500€ (quand on parvient à en trouver une) pour pouvoir jouer dans des conditions décentes à Cris Tales qui, reconnaissons-le, n’a rien de très exigent techniquement parlant ? Il est vraiment dommage de voir son plaisir de jeu entaché ainsi car Cris Tales reste une aventure très sympathique et fait bien plus que s’inspirer de grands jeux en espérant en devenir un, en apportant des éléments uniques et ingénieux.
Autant en emporte le temps
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Des bases solides et une touche personnelle maîtrisée - 70%70%
Résumé
Une aventure entre passé, présent et futur où s’entremêlent tradition et innovation avec une grande efficacité. Cris Tales rend un hommage respectueux aux canons du J-RPG tout en apportant sa touche personnelle avec la mécanique de la magie temporelle, intelligemment conçue et satisfaite à exploiter. Ces éléments s’insèrent dans un univers chatoyant, rempli de couleurs et de magie que l’on aurait adoré explorer dans ses moindres recoins s’il n’y avait pas eu ces problèmes de rythme extrêmement rebutants. Entre la lenteur de déplacement de Crisbel, l’omniprésence de temps de chargement intempestifs et les combats trop fréquents et inévitables, chaque partie est un véritable parcours du combattant ce qui en agacera plus d’un et à raison.
Les +
- Une direction artistique frappante et originale
- La manipulation du temps, ingénieuse et bien exploitée
- Une histoire intéressante qui va au-delà des classiques
Les -
- Des temps de chargement beaucoup trop nombreux
- Des combats aléatoires et trop fréquents
- Un rythme global un peu mou du genou