Avancer. Hésiter. Rebrousser chemin. Se perdre. Telle est la magie des Metroidvania. Et la licence qui a donné son nom au genre a pondu plus d’un jeu culte. Gare, donc, à ne pas la remiser trop vite aux oubliettes au profit de ses successeurs. Adepte du shadow drop sauvage, Nintendo en a pourtant surpris plus d’un·e lors de son dernier Direct le 8 février dernier en révélant l’existence de Metroid Prime Remastered. Il faut dire que nous l’attendions plus tôt que ça, après avoir vu Jeff Grub s’arracher les cheveux avec ses prédictions. Deux décennies après avoir conjugué la perfection au sens vidéoludique, Retro Studios nous livre donc une nouvelle mouture de son chef d’oeuvre de l’ère GameCube. Embarquez à bord, direction la planète Tallon IV et ses nombreux mystères.
Quand les Pirates de l’espace se prennent pour la Weyland
Mis à part l’enfant terrible (d’aucuns diront “incompris”) de la saga, Metroid est une franchise de peu de mots. Après une introduction composée d’un récapitulatif de mission textuel et d’une voix-off décidément beaucoup trop badass (mais qui ne se prive pas d’un peu de poésie), nous voilà largué·es dans le grand bain. Ou plutôt dans le pédiluve, puisque la première heure de jeu se déroule sur la frégate Orphéon en orbite autour de Tallon IV. Sous ses airs de tutoriel géant, le vaisseau pose déjà les bases de l’univers sur lesquelles repose toute la trilogie Metroid Prime : le Phazon. Cet astronef est en effet le siège de sombres expériences menées par les non moins sinistres Pirates de l’espace. Lesquels, dans leur quête de puissance, sont bien décidés à exploiter cette mystérieuse substance radioactive et ses propriétés mutagènes afin de bâtir une redoutable armée d’invasion. Il ne tient donc qu’à la chasseuse de primes la plus demandée de la galaxie de mettre un terme à leurs plans.
Dans la peau de Samus Aran (littéralement, l’interface étant l’intérieur de son casque), on s’aventure ainsi dans ce qui commence dangereusement à ressembler à une épave. Apprentissage des commandes, découverte du somptueux écrin qui abrite cette mouture Switch et déjà, du texte. Partout. Tout le temps. Le fameux viseur d’analyse reste à ce jour une formidable invention de la part de Retro Studios. Comme son nom l’indique, il permet de scanner tout et n’importe quoi afin d’obtenir des informations à son sujet. L’UI de l’époque reste inchangée : des carrés oranges indiquent une cible facultative tandis que les carrés rouges sont synonymes de mécanisme activable ou d’une entrée majeure de la base de données de la combinaison de Samus. Le viseur d’analyse est donc l’outil de game design intra-diégétique par excellence, mêlant le lore touffu de Metroid Prime avec tout son système de jeu. Cette fonctionnalité brillante justifie à elle seule d’avoir transformé Metroid en un jeu à la première personne. Encore aujourd’hui, il s’agit de l’un des choix les plus audacieux et les plus géniaux autour d’une licence aussi importante que celle-ci.
La croisière Samus
À peine la reine parasite terrassée, votre combinaison dépouillée de ses capacités, une frégate explosée, et vous voilà déjà à la surface de Tallon IV, véritable théâtre des événements de Metroid Prime Remastered. La routine, en somme. Et là commence le véritable voyage : vous choisirez une porte déboulant sur un cul-de-sac, puis vous reviendrez quelques temps plus tard avec une nouvelle arme en poche pour mieux rebrousser chemin aussi sec. Il faut ainsi naviguer de capacité en capacité dans un monde interconnecté de salles, couloirs, portes colorées et obstacles nécessitant le pouvoir adéquat. Entre deux améliorations, pourquoi ne pas s’exercer au tir ? Fort des nombreuses versions précédentes de son aventure (officielles ou non), Metroid Prime Remastered laisse une très grande marge de manoeuvre pour personnaliser ses contrôles et mitrailler du Pirate de l’espace en toute sérénité. On retrouve ainsi pêle-mêle les commandes d’origine par ciblage exclusivement, celles à visée par mouvements de la Wii, un mélange des deux et enfin les doubles sticks, plus proche du standard actuel des jeux de tir. Moultes options sont de la parties, je ne peux que vous conseiller de prendre le temps de tester tous les réglages pour être vraiment à l’aise avant de vous lancer pleinement dans l’action. J’ai pour ma part trouvé chaussure à mon pied avec le dernier mode en y ajoutant le gyroscope pour plus de précision contre les cibles difficiles.
Metroid Prime Remastered, contrairement à sa suite, place le backtracking au coeur de sa progression au niveau macro, en jouant des culs-de-sac propres au genre. Ce, de manière à nous pousser à se souvenir où utiliser des capacités nouvellement acquises. Le level design du jeu conserve le peu de faiblesses que l’on pouvait imputer à sa version d’origine : un manque criant de verticalité ainsi qu’un léger déséquilibre dans la distribution des ascenseurs. Les Cavernes du Magmoor servent ainsi de plaque tournante au point qu’il s’agit d’un passage obligé pour rallier les Monts de Phendrana qui apparaissent donc très isolés en comparaison. Le système de combat, lui, n’a rien perdu de sa superbe et est même sublimé par toutes les options de personnalisation des contrôles. On retrouve ainsi avec délectation le système de viseurs qui vient enrichir tout naturellement ce passage en première personne, aussi bien dans des joutes dans le noir ou contre des fantômes Chozo que pour déceler des éléments d’énigmes invisibles pour l’oeil humain de Samus. Différents rayons sont aussi de la partie, n’étant pas perdus à chaque nouvelle acquisition contrairement aux opus 2D, chacun d’eux a son utilité face à certains types d’ennemis bien précis. Une symbiose vidéoludique complétée par la boule morphing et ses multiples outils : boule araignée pour grimper sur des rails magnétiques, boule turbo pour se propulser sur des rampes en U et j’en passe.
Une plastique de rêve
Si cette réédition pèche en ne réparant pas les quelques menus défauts de son modèle (soyons honnêtes, il faudrait un remake complet pour cela), elle est tout bonnement irréprochable sur le plan technique. N’y allons pas par quatre chemins, Metroid Prime Remastered est tout simplement l’un des jeux les plus beaux disponibles sur Nintendo Switch. Si la direction artistique phénoménale du jeu d’origine y est pour beaucoup, force est de constater l’immense bond en avant réalisé depuis la GameCube. Encore heureux rétorqueront les plus cyniques d’entre vous. Les autres se laisseront subjuguer par des décors qui, une fois entièrement remodélisés et retexturés, réussissent l’exploit de rendre la version originale véritablement terne en comparaison. Et ce n’est pas une mince affaire pour un jeu régulièrement qualifié d’intemporel par la critique comme par les joueur·euses. Vingt ans après, les nombreux détails visuels ont toujours un effet saisissant : le visage de Samus qui se reflète à travers l’écran, les effets de particules et de liquides etc. Ils n’ont pas pris une ride et servent même parfois le gameplay, des gouttes de pluie pouvant trahir une plateforme invisible sans nécessiter le viseur approprié pour la distinguer. Le tout tient ses 60 images par seconde sans forcer et est habillé de l’une des bandes-son les plus mémorables et ingénieuses que le jeu vidéo ait jamais produit. Un bonheur de chaque instant, tout simplement.
Plus beau que jamais
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Plus beau que jamais - 99%99%
Summary
La langue française manque de superlatifs pour décrire Metroid Prime. Savant mélange d’exploration, de combat et de puzzle, se payant en prime le luxe d’une bande-son et d’un sound design à couper le souffle et d’un lore presque entièrement facultatif mais néanmoins passionnant à découvrir. Le tout est parfaitement intégré à un gameplay adapté à merveille par Retro Studios à une vue à la première personne. Presque avant tout le monde, Metroid Prime avait compris comment associer un gameplay riche et maîtrisé à une narration profonde, pour peu que l’on prenne la peine d’aller la chercher. Cette version remasterisée, si elle ne corrige pas la poignée de vieilleries de level design, rend merveilleusement justice à la claque visuelle qu’a incarné l’original il y a de cela vingt ans. On en ressort avec une seule envie, repartir pour une nouvelle aventure en mode difficile. Ou jouer au reste de la trilogie. Espérons que cela soit bientôt possible sur Nintendo Switch…
Les +
- Un game-design intemporel qui mêle exploration, combats maîtrisés et lore dans un FPS qui exploite toutes ses forces
- Une bande-son toujours aussi magistrale
- Des options de contrôles très nombreuses pour personnaliser son expérience à loisir
- Une refonte visuelle qui rend encore mieux justice à une direction artistique de folie
- Une fluidité jamais prise en défaut
Les -
- Quelques micro-couacs de level design toujours présents