Après avoir enchaîné de multiples apparitions lors de divers salons et notamment un Nintendo Indie World, Night Call a fini par atterrir sur nos petites Switch en juillet 2019. “Mieux vaut tard que jamais” comme on dit : voici donc notre test de ce titre indépendant développé par Monkey Moon et BlackMuffin Studio. L’ambiance film noir de Night Call a-t-elle séduit notre cœur ? Réponse immédiatement !
Jvous emmène où ma ptite dame ?
Night Call est un jeu d’enquête sous forme de point & click dans lequel vous incarnez un chauffeur de taxi parisien. Chaque nuit, Houssine grimpe dans son véhicule et arpente les rues de notre belle capitale en prenant des clients ayant mille et une histoires à raconter. Le titre vous propose trois enquêtes indépendantes durant lesquelles vous devrez exploiter les récits que vous entendrez pour démasquer un tueur en série sévissant dans les rues de Paris. Vous êtes d’ailleurs bien placés pour mener les investigations puisqu’à chaque fois, vous êtes tombés nez à nez avec l’assassin tout en étant le seul à en être sorti vivant (bien que blessé, chaque enquête commençant lorsque vous sortez de l’hôpital après un court coma).
Le gameplay de Night Call est ainsi divisé en deux grandes parties. La première, la plus chronophage, consiste à vous promener dans Paris à bord de votre taxi à la recherche d’indices. Pour cela, vous ne vous déplacerez pas directement en conduisant mais en sélectionnant votre destination sur une carte stylisée de la capitale française. Si la majorité des points d’intérêt est représentée par des clients (j’y reviendrai quelques lignes plus bas), vous pouvez également vous rendre dans des lieux spécifiques liés à votre affaire en cours. Qui sait, peut-être y trouverez-vous un indice ou un individu susceptible de vous rencarder contre quelques pièces sonnantes et trébuchantes ! Les stations-service sont également à prendre en compte, d’une part pour faire le plein d’essence (une panne sèche menant au game over), d’autres parts pour interroger l’employé de nuit qui sera ravi de papoter quelques minutes. Enfin, il faut prendre en compte l’heure affichée en haut à droite de la carte : vous n’avez que jusqu’à 6h du matin pour mener vos investigations de la nuit avant de rentrer chez vous pour un repos bien mérité.
La deuxième partie du gameplay de Night Call se passe dans votre petit appartement du 1er arrondissement (il me semble) où vous pourrez faire un bilan des indices récoltés et ainsi, commencer à établir le profil du tueur. Pour chaque affaire, cinq suspects vous sont donnés et le coupable se trouve forcément parmi eux. À vous de trouver un mobile, un mode opératoire et des faits pour comprendre qui est derrière la série de meurtres dont vous avez failli faire partie ! Pour chaque affaire, vous aurez le droit à six nuits de déambulations nocturnes pour vous constituer un dossier.
Jeu vidéo, roman ou film noir ?
Pour être honnête, je n’ai pas été ébloui par le gameplay du jeu dans son ensemble. On trouve assez rapidement le tueur sans avoir forcément compris toute l’affaire en cours et personne ne se donnera la peine de tout vous expliquer. De plus, les trois enquêtes sont sensiblement similaires : il est toujours question d’un tueur en série et vous êtes à chaque fois l’unique personne à avoir survécu à un de ses assauts ce qui donne une certaine redondance globalement. Au final, on a quelque peu l’impression de jouer à pile ou face en espérant que ce qui nous a paru cohérent le sera également pour le jeu, ce qui n’est pas facilité par quelques petits bugs bien ennuyeux. Pour se sentir Commissaire Moulin, on a vu mieux en somme.
Mais il serait injuste de se contenter de dénigrer Night Call car si son gameplay ne m’a pas convaincu, il renferme un trésor d’écriture et d’émotions comme j’en ai rarement vu dans ce genre de jeux. Comme dit plus haut, le point & click vous demande de rassembler des indices pour désigner un coupable. La majorité de ces indices vous seront donnés, volontairement ou non, par vos passagers dont les récits représentent le coeur du jeu. Plusieurs dizaines de passagers différents sont présents mais seuls quelques uns pourront vous renseigner sur votre enquête. Ainsi, la plupart des récits ne vous aideront pas à trouver le tueur mais chacun est remarquablement écrit.
Certaines de ces histoires sont amusantes, comme ce groupe de copains déguisés en Power Rangers peinant à trouver un de leurs comparses après une soirée bien arrosée. D’autres sont franchement inquiétantes à l’image de cette femme prétendant parler à Jésus et exécuter sa volonté. Et nombreuses sont celles à être émouvantes. Je me souviens particulièrement du récit de ce prêtre fou amoureux d’une femme mariée : il expose le dilemme des plus cornéliens entre foi à devoir auquel il est logiquement confronté. Chaque trajet est caractérisé par une histoire unique qui parvient à nous attacher à son narrateur en quelques lignes à peine. L’histoire personnelle d’Houssine est également maintes fois abordées, bien qu’à demi-mot et on sent une irrésistible envie d’en apprendre davantage sur le passé tumultueux de notre héros de la nuit.
De grandes qualités narratives
Au-delà de la qualité d’écriture des dialogues, la dimension narrative Night Call bénéficie d’un vrai travail de fond avec de multiples références au monde réel et surtout à l’actualité. Le jeu est sorti en juillet 2019 donc vous serez épargnés par la COVID19 (ce qui n’est pas plus mal) mais le sujet du Brexit fut au cœur d’un des récits que j’ai pu lire par exemple. Des éléments bien connus de notre époque comme F.R.I.E.N.D.S ou Twitter sont également évoqués ce qui renforce notre immersion comme peu de jeux sont capables de le faire. L’atmosphère de Night Call doit également beaucoup à son excellente direction artistique en noir et blanc qui nous donne le sentiment d’évoluer dans un film noir des années 50. Le trait qui dessine les personnages est également savamment tracé et donne de jolis résultats, notamment notre protagoniste qui est plutôt très séduisant mine de rien.
Hélas, toutes les qualités narratives possibles ne peuvent contrebalancer un gameplay pauvre et peu développé comme c’est le cas dans Night Call. On ne s’amuse pas réellement manette en main et on tient uniquement par envie de découvrir toutes ces histoires de vie plus que par intérêt pour notre enquête. Comme si les développeurs avaient anticipé ceci, un mode “Balade” vous permet de déambuler dans Paris et de prendre tous les clients autour de vous sans vous préoccuper de l’essence ou de l’heure.
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Night Call, le film noir de la Switch ? - TEST
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Un excellent récit desservi par un gameplay pauvre - 60%60%
Un excellent récit desservi par un gameplay pauvre
Quel dommage ! Sous une autre forme, Night Call aurait eu de quoi rafler toutes sortes de récompenses pour la qualité de son écriture et son ambiance prenante. Malheureusement, on ne peut ignorer un gameplay fade, répétitif et sans grand intérêt qui viendrait presque entacher ces excellentes histoires écrites avec talent et véritablement fascinantes que sont les récits des passagers. Je ne me souviendrai pas de Night Call en tant que jeu mais bel et bien pour toutes ces petites tranches de vie aussi touchantes qu’émouvantes qui m’ont réconcilié avec les jeux narratifs.
Les +
- Une bien jolie direction artistique
- Des références au monde réel qui créent une ambiance immersive
- Des histoires émouvantes, variées et définitivement touchantes
Les -
- Un gameplay sans intérêt et répétitif
- Des bugs
- Trois enquêtes très similaires et à la progression fade