Lorsque l’on mentionne Hello Games, No Man’s Sky vient naturellement à l’esprit des joueurs. Mais ce n’est pas ce projet gargantuesque, qui a du effectuer un véritable périple avant d’acquérir ses nombreuses qualités, qui nous intéresse aujourd’hui. Loin de l’espace et de son infinité vertigineuse, The Last Campfire se situe à plus petite échelle mais entend bien se faire une place dans votre ludothèque. Permettez-moi ainsi de vous présenter mon humble test de cette belle expérience pleine d’émotion et de bonnes idées, portée par une touchante mission : donner le sourire.
C’est l’histoire d’un feu
The Last Campfire vous propose d’incarner Ember, une étrange petite créature représentante de la communauté des Braises, sans que l’on comprenne exactement leur nature profonde. Affublée d’un épais manteau bleu à capuche, Ember est une calme voyageuse qui s’est visiblement égarée au cours de ses pérégrinations puisque nous la retrouvons au fond d’une étrange cave où règnent statues brisées, toiles d’araignées et… squelettes de pèlerins. Votre mission sera donc simple : mener cette âme esseulée à destination. Où se trouve-t-elle ? Excellente question à laquelle même notre adorable héroïne ne semble pas apte à répondre. Mais qu’importe, Ember sait seulement à quel point il est important qu’elle s’y rende. Cela ne sera pas si simple cependant car un long chemin vous attend, ce qui sera l’occasion d’explorer des environnements délicatement réalisés.
Ils sont peu nombreux certes, The Last Campfire étant pensé comme une courte expérience avec un prix bas en conséquence, mais la plupart d’entre eux offrent de jolis visuels bien plaisants à observer. La sombre forêt où vous ferez vos débuts est caractérisée par des jeux de lumières et des ensembles de couleurs saisissants qui créent une atmosphère calme mais quelque peu effrayante par endroit, des yeux invisibles scrutant chacun de vos pas. A l’inverse, certains endroits du marais sont un peu génériques et n’offrent pas grand intérêt tant on a le sentiment d’avoir déjà vu la même chose ailleurs. Dommage pour un jeu aussi court, mais cela ne gâche pas son intérêt pour autant. Si certains décors sont loins d’être inoubliables, on peut en revanche mentionner le chara design très réussi de la plupart des personnages ! Entre un cochon géant et insatiable, une tortue cuisinière et une grenouille pleine de sagesse, toutes sortes de rencontres incongrues vous attendent dans ce monde. Dommage que cette direction artistique soit ternie par de fréquents bugs d’affichage et les quelques crashs qui obligent parfois à redémarrer le jeu pour poursuivre l’aventure.
Dr. House
Et pourtant, ce sont les plus ordinaires qui marqueront et guideront votre voyage en la personne des braises dites mélancoliques. Paralysées par un évènement traumatisant, ces âmes damnées ont perdu espoir, en conséquence de quoi elles se sont pétrifiées. Tout n’est pas perdu pour elles cependant puisqu’Ember a la possibilité de leur venir en aide en leur redonnant le courage de vivre. Ceci prend la forme d’une petite énigme à résoudre : Ember entre dans l’esprit meurtri de la braise mélancolique et doit s’y frayer un chemin en déplaçant des objets, mettant ainsi vos neurones à contribution pour l’occasion. La force de ces petits casse-têtes résident dans leur capacité à utiliser des mécanismes simples mais savamment renouvelés, de sorte à ce qu’on ne ressent jamais une quelconque sensation de redondance. La finalité des puzzles de The Last Campfire est d’atteindre une petite flamme bleue emprisonnée dans une cage symbolisant l’espoir de la braise : une fois libéré, le feu permet de ramener la malheureuse à la vie et de lui permettre de surmonter le traumatisme qu’elle a subi antérieurement.
De ce principe simple et touchant, j’ai tiré une certaine satisfaction. Quelques indices donnés par la voix off, qui vous accompagne tout au long de votre aventure, vous renseignent sur le mal-être ressenti par la braise à laquelle vous venez en aide, ce qui permet de s’en rapprocher et de se sentir concerné par son désarroi. Sauver les braises mélancoliques alimente les feux de camp grâce à la flamme de leur espoir, ce qui vous donne accès à la zone suivante. En dehors de ces sauvetages spirituels, d’autres énigmes vous attendent puisque progresser dans le monde de The Last Campfire vous demandera tout autant de réflexion.
Comme dans les bras d’une mère
Avec ses visuels réussis et son concept délicat, The Last Campfire est caractérisé par une ambiance mélancolique très particulière. Certes, on ne ressent pas l’envie de faire des claquettes au vu de l’histoire, plutôt triste, qui est narrée, mais on ressent paradoxalement une certaine ferveur en libérant les braises mélancoliques. Avoir le pouvoir de répandre l’espoir et de redonner du courage à son entourage a quelque chose de grisant et d’apaisant. Les puzzles n’étant pas soumis à une quelconque limite de temps, on prend le sien pour venir en aide aux malheureux qui croisent notre route, analysant les environs de son esprit comme un ami lirait en vous pour comprendre vos émotions. On ressort de chaque épreuve avec un léger sentiment de fierté et d’accomplissement qui évoquera peut-être des vocations parmi certains. Quel dommage cependant que la narration du jeu soit si avare de détails ! Il est difficile de saisir pleinement les enjeux du voyage d’Ember tout comme de comprendre quel est ce “chemin” au bout duquel il n’y aurait rien, maintes fois mentionné par un certain personnage de l’aventure.
Ce constat est d’autant plus frustrant que l’émouvante conclusion parvient à éveiller un sentiment inconnu dans le coeur du joueur, grâce à des dialogues efficaces et une musique excellente, mais qu’il est impossible de nommer ce fameux sentiment sans plus de contexte. The Last Campfire est un jeu intrigant qui a su éveiller mon intérêt tout le long des courtes heures nécessaires pour en venir complètement à bout. La preuve la plus manifeste que son histoire est bonne malgré son manque de clarté est justement que j’ai souhaité en savoir plus pour la comprendre plus en profondeur. Tout dans ce jeu témoigne d’une réflexion de ses créateurs, mais on ne parvient pas à saisir le message qu’ils ont souhaité faire passer : s’agit-il d’une métaphore de la vie et de la mort ? De l’aspect vain de l’existence ? D’une philosophie sur le caractère éphémère de la vie ? Impossible d’isoler un angle d’attaque exact ! Peut-être s’agit-il d’une volonté d’Hello Games de pousser les joueurs à s’impliquer davantage dans cette histoire qu’en appuyant sur les boutons d’une manette, qui sait ? En tous cas, c’est réussi.
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Des émotions et des imperfections - 75%75%
Des émotions et des imperfections
Un délicat mélange de réflexion et d’émotions qui produit un résultat tout à fait fascinant. Malgré des imperfections techniques et une narration parfois trop abstraite pour être comprise, The Last Campfire marque par sa direction artistique, son concept charmant et l’ingéniosité de ses énigmes. Rempli de douceur et de bienveillance, le jeu d’Hello Games accueille tendrement le joueur et l’accompagne dans une aventure simple, calme et infiniment apaisante. A recommander aux anxieux et aux amateurs de casse-têtes, mais également à ceux qui cherchent à se sentir humains et vivants manette en main.
Les +
- Une direction artistique réussie…
- Un concept touchant et efficace
- Des idées simples mais ingénieusement exploitées
- Une ambiance étonnante et intrigante
Les -
- … bien que générique par endroit
- Un manque de clarté dans la narration qui empêche de se sentir pleinement impliqué