Ça fait un bon nombre d’années que le Point & Click, auparavant l’un des genres majeurs du jeu vidéo, a énormément perdu en représentation dans le paysage vidéoludique. Si on ne compte plus les classiques du genre comme la série des Monkey Island, Grim Fandago, Syberia etc. C’est Telltale qui l’a quelque peu remis au goût du jour avec ses nombreuses séries issues de licences célèbres (The Walking Dead, The Wolf Among Us…). Cependant, il enlevait au genre beaucoup de choses afin de laisser la narration s’exprimer. C’est là qu’intervient TOHU, petit jeu indépendant de Fireart Games qui vient se glisser dans notre petite Nintendo Switch. Un retour à une formule plus classique ?
Un beau bordel
Il y a un parallèle assez évident que j’ai pu réaliser après seulement quelques secondes : le jeu pourrait être une allégorie de ma chambre, tant il est bordélique. Alors avant que les éventuels fans de TOHU ne sortent les couteaux et tentent sauvagement de mettre fin à mes jours, je vais mesurer mes propos. Quand j’emploie le terme bordélique, ce n’est absolument pas péjoratif. C’est simplement que le jeu frappe par la quantité d’informations assez impressionnante qu’il fait apparaître et son esthétique… particulière. Mon cerveau a dû mettre quelques instants avant de s’accommoder à ce qu’il voyait, tant ce n’était pas orthodoxe.
Entre les vers de terre accordéons, les moustiques lampes ou encore les chiens pinces, TOHU profite d’une direction artistique très absurde et surchargée, qui ne conviendra certainement pas à tout le monde. Il en va de même pour les personnages que le jeu mettra en scène : certains auront un robinet à la place du nez, d’autres une baignoire à la place des jambes. C’est quelque chose que j’ai vraiment beaucoup aimé dans le jeu : il va jusqu’au bout de ses idées artistiques et ne lève le pied de la pédale à aucun moment. On va de surprise en surprise, et chaque nouveau tableau est source d’étonnement ! Mais si on omet le côté particulier de la direction artistique, il faut se l’avouer, TOHU est somptueux. Ses inspirations prises au dessin animé fonctionnent au poil et le travail d’animation fait en conséquence est remarquable. Si jamais vous ne prenez pas de plaisir à jouer au jeu, vous prendrez forcément plaisir à le regarder.
TOHU n’est cependant pas qu’une simple réussite artistique et visuelle. Si vous tendez légèrement l’oreille vous serez très rapidement happé par la qualité de sa bande originale. Signée Christopher Larkin, que vous connaissez très probablement pour son travail sur l’excellent Hollow Knight, elle s’intègre parfaitement avec les tableaux que nous traverserons. Une touche de piano par ci, quelques notes de harpe par là et le mystère et l’émerveillement s’invitent dans nos oreilles. Il n’y a rien à dire, l’OST de TOHU est goldé !
Une histoire simple, des énigmes aussi.
Pendant que je vous parlais des qualités artistiques de TOHU, j’ai complètement omis de vous dire ce qu’il racontait ! Dans TOHU, nous incarnons une fillette, petite, agile et souriante. Mais, d’une simple pression du bouton Y, on se transforme en Cubus ! Une sorte d’automate plus grand et plus fort ayant les capacités de soulever des objets lourds et de faire tout un tas de choses que la fillette ne peut pas réaliser. Un jour, un mystérieux inconnu s’invite chez la fillette et saccage tout. Nos deux compagnons vont donc se lancer dans un petit périple pour arrêter ce mystérieux personnage qui mène la vie dure aux habitants de cet univers.
Autant être honnête, ce n’est pas vraiment le scénario qui vous transportera dans TOHU, il est même très largement mis au second plan. Si j’ai apprécié son petit “twist final”, le déroulement de l’histoire est extrêmement basique avec une structure très cadrée. Je dois avouer que de passer d’énigmes en énigmes sans avoir une ou deux séquences narratives, c’est quelque chose qui me rebute un peu. Bien sûr, ceci est très très personnel !
Comme précisé auparavant, nous avons la possibilité de switcher entre Cubus et la fillette. Ce sera l’une des clés essentielles à la résolution des énigmes du jeu, Point & Click oblige. Les capacités de Cubus seront parfois nécessaires dès qu’il faudra déplacer de lourds objets, tandis que la fillette, elle, sera apte à monter sur des meubles et étagères grâce à une meilleure souplesse et pour parler aux gens. Certaines actions sont bien évidemment faisables par les deux, ce qui vous laissera le choix entre qui vous préférez des deux pour vous suivre une bonne partie de l’aventure.
Au début de l’aventure, j’avoue avoir été quelque peu bousculé par les énigmes. Je ne suis pas un grand féru de Point & Click et forcément, j’ai été quelque peu pris de court, tant la résolution de certaines était à l’image de la direction artistique : peu orthodoxe. Je dois même vous avouer avoir utilisé le système d’aide que propose le jeu ! D’ailleurs j’en profite pour vous dire à quel point il est plutôt sympathique et ingénieux : pour y accéder, vous devrez réussir un petit mini-jeu, et une fois accompli, une petite BD avec ce que l’on doit faire apparaît. Là où je l’ai trouvé plutôt malin, c’est qu’en plus d’être utile pour les personnes peu habituées au genre, il n’offre pas non plus la réponse sur un plateau d’argent. Une fois les premières énigmes résolues et l’habitude prise sur comment les résoudre, le jeu s’avérera plus simple de bout en bout, avec cependant toujours quelques moments où j’avoue ne pas avoir saisi la logique de la résolution, mais on va dire que c’est à l’instar du jeu. Je note un bémol au niveau de certaines énigmes casse-tête comme les puzzles, qui étaient franchement dispensables.
Jouer sur Switch, un vrai TOHU-bohu.
Même si je vous ai dit que les énigmes étaient plutôt simples, TOHU est peut-être le jeu qui m’a le plus agacé sur la console hybride de Nintendo. À plein de moments j’ai simplement arrêté de jouer car contrôler le jeu sur Switch relève de l’infamie. Comme le style de jeu l’impose, on contrôle un curseur d’ordinateur à travers un tableau. Celui-ci change en fonction de l’endroit ou on le pointe. Le curseur sera également différent en fonction de l’action que nous pourrons réaliser, à savoir soulever un objet, marcher jusqu’à l’endroit sélectionné, activer quelque chose… Bref, le souci, c’est qu’on ne joue pas avec une souris sur Nintendo Switch, mais avec des Joy-Con, et ça change tout.
La précision n’est absolument pas au rendez-vous, même avec une manette pro, vous allez passer beaucoup de temps à tenter de vous positionner correctement à l’endroit que vous voulez. Vous cliquerez souvent sur un endroit où vous ne voulez pas vous rendre et la frustration prendra parfois le dessus. Le jeu déçoit énormément sur son ergonomie, si quelques boutons servent de raccourcis pour certaines tâches, la majorité des actions restent laborieuses à effectuer pour notre plus grand malheur, au point que je n’ai pas pu réaliser des énigmes à la manette, tant c’était compliqué.
On pourrait également penser que le tactile serait bien mis à l’œuvre, mais non, alors il fonctionne et il n’y a rien à dire sur ça, mais au final, notre doigt ne sert que de nouveau curseur plus rapide et le tout n’est pas adapté à l’utilisation au doigt. Par exemple, dans l’un des niveaux, nous devons réparer un miroir mais notre doigt prendra toute la vue de la pièce du miroir que nous tenons, ce qui rendra l’action illisible. Le tout couplé à des personnages qui se déplacent lentement dans les tableaux, vous allez vous agacer bien trop souvent pour prendre plaisir à jouer durant les 4 heures qui régissent l’aventure.
TOHU - Le Point & Click qui manquait à la Switch ? - TEST
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Un bon jeu mal adapté - 58%58%
Un bon jeu mal adapté
TOHU a tout pour lui, une direction artistique originale et assumée, une technique irréprochable, un concept sympathique et des énigmes plutôt malignes. Mais en passant sur Nintendo Switch, Fireart Games a oublié le principal : rendre l’expérience agréable à jouer. Je n’ai aucun doute sur le fait que malgré ces petits défauts, TOHU est une belle aventure sur PC. Mais ce n’est pas le cas sur l’hybride de Nintendo ou l’ergonomie est aux fraises, vous frustrant plus qu’elle ne vous émerveille.
Les +
- C’est beau !
- Techniquement au poil
- OST géniale et cohérente
- Accessible…
Les -
- …Malgré certaines énigmes qui manquent de logique
- Ergonomie à revoir complètement
- Personnage lent au possible
- Tactile pas très bien exploité
- Un peu court
- Une narration un peu trop en retrait