Bienvenue en 1972, année durant laquelle de grands rêveurs passionnés, pourtant sans aucune référence en guise de source d’inspiration, ont posé les toutes premières pierres d’une industrie désormais au beau fixe. Imaginé par Bolan Bushnell — fondateur d’Atari — et développé par Allan Alcorn, Pong est encore aujourd’hui considéré comme le premier jeu vidéo de l’histoire. Pourtant, quelques jeux ont en fait été commercialisés avant lui, mais sans l’incroyable succès qu’a pu connaître cette version revisitée du tennis de table dédiée aux écrans cathodiques des bonnes vieilles bornes d’arcade.
Il aura ensuite fallu quelques dizaines d’années — 22 pour être exact — pour parvenir à la sortie de son successeur spirituel, Windjammers, pimpé par les 4096 couleurs et les 380 sprites qu’étaient désormais capable d’afficher la Neo-Geo. Ce jeu vidéo d’arcade développé par le studio japonais Data East plongeait les joueurs dans une confrontation en un contre un, sur un terrain à la croisée de nombreuses disciplines sportives et dans un style de jeu bien connu : le VS fighting. Si le jeu n’a, d’un point de vue comptable, pas déchaîné les foules à l’époque, il s’est construit avec le temps une réputation de classique vidéoludique pour une partie de la communauté de joueurs.
Nous voilà désormais début 2022. Après avoir travaillé sur un portage de Windjammers premier du nom sur PlayStation 4 et PlayStation Vita, les équipes de Dotemu — un studio français, cocorico — ont finalement pris leur courage à deux mains pour proposer une véritable suite à l’une des pierres angulaires du retrogaming. Alors, pari réussi ? C’est la question à laquelle nous allons tenté de répondre tout au long de ce test de Windjammers 2, disponible sur Nintendo Switch, PlayStation 4 & 5, mais aussi sur Xbox One, PC et Google Stadia depuis le 20 janvier 2022.
Easy to play, hard to master
Comme évoqué rapidement en introduction, Windjammers 2 est, comme son prédécesseur, un mix entre jeu de sport et VS fighting dans lequel deux joueurs s’affrontent en face à face sur un terrain séparé par un filet et composé de différentes zones d’en-but qui doivent alternativement être attaquées ou défendues. L’objectif est on ne peut plus simple : les joueurs s’échangent un frisbee en tentant de se prendre de vitesse (ou à revers) pour que ce dernier finisse derrière l’une des lignes d’en-but adverses. Le premier à atteindre 15 points remporte le set et la confrontation se joue en deux sets gagnants.
Pour parvenir à leurs fins, les joueurs ont la possibilité de choisir parmi différents personnages — au nombre de 10 — qui ont des prédispositions différentes entre la vitesse et la puissance. Ainsi, un personnage dont les lancers de frisbee seront extrêmement puissants ne sera pas en capacité de se déplacer rapidement, et inversement proportionnel. De plus, chaque personnage hérite également d’une attaque spéciale qui lui est propre et qui se résume souvent par une trajectoire des plus exotiques (exemples : trajectoire en angle droit ou trajectoire circulaire). Gardez également en tête qu’il est possible d’envoyer le frisbee dans plusieurs directions, mais aussi d’opter pour des courbes incurvées et lobées. Et enfin, sachez que le fribsee rebondira sur toutes les parois avec lesquelles il entrera en contact, ce qui lui permet d’adopter des trajectoires plus difficiles à anticiper pour votre vis-à-vis.
Présenté de cette façon, le gameplay de Windjammers 2 semble à la portée de tout le monde et c’est effectivement le cas. En revanche, une fois ces quelques principes de base intégrés, vient s’ajouter la notion de timing qui permet au jeu de franchir un cap stratégique supplémentaire ! Plus le temps de réaction du joueur à la réception du frisbee sera optimal, plus son prochain lancer aura de chances d’être puissant et donc imprévisible pour son adversaire. Ajoutez à cela la possibilité d’envoyer le frisbee au-dessus de votre tête pour le smasher ensuite en cas de timing parfait à la réception, et vous obtenez la recette miracle d’un jeu aussi facile à prendre en main que difficile à apprivoiser dans ses plus profondes subtilités. Que celles et ceux qui avaient été conquis par Windjammers premier du nom se rassurent : au niveau de la prise en main, Dotemu a mis un point d’honneur à conserver toute la saveur originelle de la licence, en l’agrémentant simplement de ces petits plus que leur propre expérience de jeu, les feedbacks des joueurs mais aussi certainement les moyens techniques d’aujourd’hui leur ont permis d’ajouter.
Je promets de te rester fidèle et de t’aimer tous les jours de ma vie
Lorsqu’il est question d’adaptation ou de réalisation d’une suite pour un produit culturel (jeu vidéo, livre, série, film), il peut très facilement n’y avoir qu’un pas entre l’hommage maîtrisé et la sortie de route légendaire. Ai-je besoin d’évoquer l’un des plus célèbres navets cinématographiques de l’histoire de l’humanité, Dragonball Evolution, pour faire en sorte que vous compreniez là où je veux en venir ? Accordez-moi une seconde, je m’en vais dégobiller mon petit déjeuner avant de reprendre le fil.
Bref, tout ça pour vous rassurer d’emblée : les équipes de Dotemu aiment profondément la licence Windjammers. Cet amour et le profond respect qu’ils ont pour les créateurs du jeu initial et de son univers ne pouvaient pas déboucher sur autre chose qu’une mission accomplie haut la main.
Mission accomplie esthétiquement d’abord, avec une transition de l’incontournable pixel art qui faisait le charme de Windjammers à l’époque vers un traitement toujours en 2D mais plus lisse et plus moderne, dessiné à la main. Cette patte visuelle associée aux couleurs vives employées pour donner vie aux terrains et aux personnages apportent une énergie folle à l’ensemble de l’oeuvre. Pour un jeu vidéo qui mise tout sur son explosivité et son aspect très nerveux, il parait difficile de faire mieux !
Mission accomplie “philosophiquement” ensuite : le feeling de ce deuxième opus est en tout point similaire à celui que nous avions déjà connu par le passé. Comme l’ont si bien évoqué certains joueurs expérimentés de la licence, “aucun frisbee ne doit être irrattrapable” dans Windjammers. Cette notion qui peut paraître anodine est en fait l’illustration parfaite de ce qui fait toute la valeur de ce jeu : une précision chirurgicale qui rend les affrontements extrêmement exigeants mais toujours justes. Si votre adversaire parvient à vous gratter un point, l’erreur vous appartient forcément. Ce n’est pas parce qu’il dispose d’un personnage au potentiel plus important que le vôtre ou qu’il a déclenché une capacité spéciale imparable. Et bien malgré les difficultés rencontrées pendant le développement, et notamment l’obligation d’imaginer les terrains sur des écrans au format 16:9 là où le 4:3 était roi à l’époque, les équipes de développement ont réalisé un travail remarquable pour adapter et retranscrire le rythme du jeu des années 90.
Un seul être vous manque…
Manette en main, Windjammers a tous les arguments pour contenter les amateurs du genre. En s’appuyant sur de solides fondations et en ajoutant ce que les joueurs sont en droit d’attendre pour la suite d’une licence si chère à leurs yeux, le studio Dotemu fait mouche. Quelques nouveaux personnages, une variété de terrains inédits avec de nouvelles mécaniques pour pimenter les parties mais aussi et surtout un mode compétitif en ligne qui aurait cruellement manqué pour un jeu de ce style en 2022.
Toutefois, quelques petites choses continuent de manquer à l’appel pour permettre à Windjammers 2 d’être ce diamant parfaitement poli. Un système d’entraînement, un tutoriel plus abouti et un mode histoire un tant soit peu plus scénarisé auraient certainement incité un public plus large à oser mettre la main sur un jeu qui risque de laisser sur le bord de la route les joueurs les plus casual. En tout cas, si ces derniers sautent le pas, Windjammers 2 risque de n’être que ce moyen de divertissement qu’ils sortiront lors d’un apéro entre amis, pour faire une partie ou deux avant de le ranger dans leur meuble TV pendant de longs mois, jusqu’à la prochaine occasion. Mais après tout, on ne peut pas plaire à tout le monde et c’est certainement mieux ainsi ! En ce qui nous concerne, on ne peut que vous recommander de glisser dans le Nintendo eShop (Windjammers 2 – 19,99€) pour soutenir le travail d’un studio français qui a mis toute son âme afin de proposer sa vision d’un classique du jeu vidéo.
[BONUS] Le making-of de Windjammers 2, en immersion chez DotEmu
Quelques semaines avant de recevoir le jeu et d’en démarrer le test, je m’étais retrouvé happé par ce making-of réalisé par le studio Dotemu lui-même et dans lequel différentes personnes impliquées dans le développement du jeu se livrent sur leur excitation mais aussi sur leurs doutes et les difficultés qu’elles ont pu rencontrer durant toute la phase de création de Windjammers 2. De la génèse du projet en passant par la présentation du jeu aux créateurs du premier volet, jusqu’à l’aboutissement de plusieurs années de travail… Un véritable “must-see” pour ne jamais oublier la chance que nous avons de vivre à la même époque que tous ces passionnés qui consacrent une partie de leur vie à faire plaisir aux adeptes de jeux vidéo que nous sommes toutes et tous.
Windjammers 2 : un VS fighting sportif taillé pour la compétition ?
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En matière d'hommage, on peut difficilement faire mieux ! - 80%80%
En matière d'hommage, on peut difficilement faire mieux !
Il n’y a pas de doute : Windjammers 2 est bel et bien la suite réussie du classique du retrogaming que nous avons connu. Aussi énergique, fun et précis que son prédécesseur, il séduira sans encombre toutes les joueuses et tous les joueurs à la recherche d’une expérience à la croisée du jeu de sport et du VS fighting. Sa nouvelle touche graphique, ses personnages et terrains inédits, mais surtout son tout nouveau mode compétitif en ligne apportent à la fois un vent de fraîcheur et un défi de taille qui pourraient lui assurer une place dans le milieu de l’e-sport. A contrario, ses lacunes pédagogiques et son mode solo un peu en retrait rebuteront certainement les joueurs plus occasionnels. Quoi que ! Qui vivra verra.
Les +
- Une suite au feeling extrêmement fidèle à son prédécesseur.
- Une nervosité sans pareille, essentielle pour un jeu de ce genre.
- Un réinterprétation graphique remarquable, qui ne dénature pas l’œuvre originelle.
- Un mode online très attendu et parfaitement fluide.
- Des sensations instantanées manette en main…
Les -
- Un mode histoire un peu en deçà du reste
- Un manque de pédagogie pour les nouveaux venus
- … Mais une profondeur de gameplay exigeante pour les moins initiés